Paysages & valeurs : de la représentation à la simulation

Sous la direction de Farid Boumédienne et Nicolas Couégnas

https://doi.org/10.25965/as.1226

Publié en ligne le 05 février 2013

Organisé par le Centre de Recherche Sémiotique (CeReS) et le laboratoire CNRS Géodynamique des Milieux naturels et Anthropisés (GEOLAB).

Les interrogations sur le paysage traversent plusieurs champs disciplinaires et ont donné lieu ces dernières années à un nombre relativement important de colloques et autres manifestations scientifiques. Cet engouement traduit plus qu’une réponse à des préoccupations environnementalistes, par ailleurs sans doute très légitimes. Au delà, ou dans le prolongement de ces préoccupations, le paysage semble s’imposer comme une nouvelle icône, comme le lieu – abstrait – par excellence de fixation de valeurs sociales. La reconstitution des paysages, les analyses géostatistiques et les simulations d’évolution par ordinateur constituent de nouveaux moyens de recherche permettant de surmonter des problèmes non résolus dans la perception, l’évaluation, la gestion et la simulation de scenarii des fonctionnements passés, présents et à venir de notre environnement et de nos territoires. Simple outil de réflexion ou objectif finalisé, ce type de recherche relève fréquemment d’une démarche transversale qui favorise l’échange des différentes approches méthodologiques et de savoirs-faire techniques. Bien que centrés sur des problématiques différentes, les chercheurs s’attachent tous à préciser le fonctionnement des espaces (construits, perçus ou vécus) et la dynamique de ces paysages en s’appuyant sur le traitement de données acquises par différentes voies.
Il ne s’agit pas seulement, dans cette survalorisation, de défendre des lieux précis, de faire collection de « géographies » particulières et méritantes, pour le bien conjoint des usagers et de la nature paysagée, car ce n’est que l’un des aspects du paysage en tant que valeur.
Pour le dire succinctement, le succès de la notion de paysage serait la marque que se joue là ce que l’on appelle en sémiotique une « esthésie », et une « forme de vie », c’est à dire un dispositif perceptif, historiquement formé, qui détermine la façon de « voir le monde » à un moment et dans une culture donnée. Il y aurait donc un lien profond entre le succès du paysage, des paysages, et le regard que l’homme actuel peut porter sur le monde, comme si le paysage était sa machine à percevoir le monde. L’idée n’est pas neuve, elle est née avec l’idée même de paysage, qui prit consistance avec la perspective picturale, mais le paysage semble aujourd’hui au fait de son rendement esthésique, comme une figure obligée de ce que le citoyen actuel doit pouvoir observer de son environnement avec quelque profit. Cette hypothèse « esthésique » devrait avoir bien sûr une forte incidence sur les usages scientifiques et techniques du paysage. Quelle que soit la discipline qui le travaille on peut supposer peut être que le paysage doit conserver une partie de cet ancrage axiologique et perceptif, qu’il n’est jamais seulement un « paysage existence » (Fontanille 2003), avec ses lois propres mais toujours en même temps un « paysage expérience » impliquant un observateur social. Telle est en tout cas l’hypothèse fondamentale qui orienta les travaux menés et présentés dans le cadre de ce colloque, qui lui assure à la fois son originalité et sa pertinence dans le concert des recherches actuelles sur le paysage.

24, 25 et 26 novembre 2005