Le Design, trace sémio-communicationnelle d’une épreuve médiatique et culturelle

Eléni Mitropoulou

Université de Franche-Comté, Laseldi

https://doi.org/10.25965/as.1737

Index

Articles du même auteur parus dans les Actes Sémiotiques

Auteurs cités : Umberto Eco, Jacques FONTANILLE, Johannes Itten, Wassily Kandinsky

Plan
Texte intégral

Remarques introductives

Note de bas de page 1 :

 De l’exposition « Ron Arad » au Centre Pompidou (novembre 2008 - mars 2009) à celle de « Design à la cour » au château de Fontainebleau (septembre - novembre 2009), de l’inauguration récente de « La Cité du design » à Saint-Etienne à l’ouverture du « Lieu du design » à Paris, de la publication du livre intitulé « Le beau pour tous » (Maïmé Arnodin et Denise Fayolle, Editions L’iconoclaste, Paris, 2009) ainsi que l’ouverture de plusieurs show- rooms à Paris

Note de bas de page 2 :

 Tel le dossier « Spécial Design » de l’Express Styles n°3037 du 17 septembre 2009 mais également les nombreuses, régulières parutions consacrées au Design de la rubrique Formes de Télérama (notamment depuis mai 2009 à janvier 2010)

L’étude ici proposée a son origine dans la constatation suivante : depuis quelques mois et surtout depuis septembre 2009, en France, le Design fait l’objet d’une médiatisation importante à travers expositions et autres événements1. Cette diffusion mass-médiatique du Design est également constatée dans la presse écrite2, ce qui s’inscrit dans la logique habituelle du fonctionnement de la culture de masse. Ainsi, le Design est un de ces objets culturels qui, pris en charge par la sphère médiatique et multimédiatique sont portés vers la glorification à travers différents cheminements qui constituent autant d’épreuves qualifiantes et décisives d’une même reconnaissance, celle d’un objet d’une valeur cultuelle (au sens de Walter Benjamin) et de sa construction. Cette construction axiologique n’est pas propre au Design mais présente tout de même des actualisations qui méritent qu’on s’y arrête. Ces actualisations sont inhérentes à une démarche de dé-marginalisation culturelle au bénéfice de la sémiotisation du Design comme objet de communication mais, peut-être, au détriment du Design comme objet culturel. « Au détriment » dans le sens où il se pourrait bien que cette forte médiatisation ne profite pas aux premières instances concernées : le public par rapport au Design et le Design lui-même. Le public n’étant ni une instance empirique ni une dimension isolée du faire-réceptif nous l’interrogeons à travers notre objet d’étude : l’objet « Design médiatisé ».

Aussi, quel est le statut du Design à travers ces médiatisations ? Quelle carte d’identité pour le Design qui fait l’objet de nombreuses définitions, en évolution régulière. En effet, pour ne citer que le Petit Larousse, il propose dans l’édition de 1988 « discipline visant à une harmonisation de l’environnement humain, depuis la conception des objets usuels jusqu’à l’aménagement des sites » et à partir de 1989 : « discipline visant la création d’objets, d’environnements, d’œuvres graphiques, etc, à la fois fonctionnels, esthétiques et conformes aux impératifs d’une production industrielle ». Au-delà des définitions dictionnairiques généralistes, qui constituent les références « légitimes » pour le public non spécialiste que cette médiatisation interpelle, le Design s’érige en forme culturelle puissante médiatiquement par sa valeur à dimension « artistique ».

De ces constatations émanent des interrogations qui, pour le sémioticien de la communication, sondeur des mutations culturelles par le médiatique, peuvent être formulées et articulées ainsi :

  • selon quelles modalités communicationnelles le Design est-il médiatisé auprès du public non spécialiste ?

  • quel mode d’acquisition du Design comme objet de valeur est activé par tel ou tel medium de communication ?

  • quelles répercussions axiologiques pour le Design en fonction de sa manipulation médiatique ?

Note de bas de page 3 :

 Notamment celui de l’analyse synchrone au phénomène médiatique et à ce titre révélatrice d’autres traits pertinents que ceux révélés par l’analyse post-événement

Note de bas de page 4 :

 Pas d’exhaustivité possible ni dans les supports analysés ni dans leur traitement du fait culturel comme événement médiatique

Note de bas de page 5 :

 A la période de mise en ligne de cette étude de nombreuses médiatisations du Design ont toujours lieu

Il s’agit d’interrogations qui sont de niveau « prise de température » concernant la création et le traitement médiatique d’un fait culturel comme événement médiatique, aussi, notre étude porte les avantages3 mais également les carences4 d’une évaluation sémiotique qui se réalise dans le feu de l’action « médiatisation »5, sans la prise de distance habituelle qui intervient post-événement et en fonction du devenir de l’événement. Néanmoins, cette évaluation réalisée par effet de zoom avant sur la médiatisation en (quasi) « direct » constitue une perspective méthodologique prometteuse quand il s’agit de traiter de l’impact de la communication sur son objet et sur ses sujets.

1 – Design et modalités communicationnelles

Note de bas de page 6 :

 Jacques Fontanille dans Marc Arabyan et Isabelle Klock-Fontanille (eds), L’écriture entre support et surface, Paris, L’Harmattan, 2005, pp. 183-200.

Note de bas de page 7 :

 Jacques Fontanille, Pratiques sémiotiques, Paris, Presses Universitaires de France, 2008.

Nos questionnements impliquent alors la prise en charge du Design en fonction du support de sa communication. Le support quel qu’il soit et qui, dans sa double dimension de support formel et matériel6, est investi par le projet médiatique en fonction d’une « médiatisation modèle » construite pour un profil de réception (c’est-à-dire un profil toujours projeté) inhérent à une pratique7 médiatique.

Note de bas de page 8 :

 Lire, ici même, le dossier « Vers une sémiotique du medium » de la rubrique Colloques.

En revanche le support, en fonction de sa spécificité médiatique issue de l’articulation entre  formel et matériel, opère des conversions qui lorsqu’elles sont de niveau, justement, de « pratique médiatique » (la médiatisation comme scène signifiante de la communication) elles actualisent le support en tant que medium de communication sur le Design qui participe (ou non) d’une médiation médiatique caractéristique d’une forme d’acquisition8.

2 – Design et medium de communication

Cette acquisition est, à son tour, une acquisition modèle, c’est-à-dire « profilée ». Pour l’observer dans le cadre du Design, deux typologies de medium ont été choisies par nous :

Note de bas de page 9 :

 L’origine de L’Express remonte à 1953 et c’est une figure historique. Il a joué un rôle dans la modernisation de la presse et du pays tout entier. Il demeure, avec Le Nouvel Observateur, la référence des news magazine français (Source : Le guide alphom la presse, Paris, 2003).

Note de bas de page 10 :

 Crée en 1950 par le groupe des publications de la Vie Catholique sous le nom de Radio-Cinéma, il traite de la culture sous toutes ses formes : télévision, radio, cinéma, musique, spectacles vivants et littérature …. (Source : Le guide alphom la presse, Paris, 2003).

Note de bas de page 11 :

 Site Web particulier qui permet de donner une liste de pages Internet liés à des mots clés que l'on choisit. (Source : dictionnaire.phpmyvisites.net). Ou encore : Serveur Internet qui a pour fonction la recherche d’information (Source : mediadico.com).

  • d’une part, la presse écrite hebdomadaire en fonction de deux énonciations, « L’Express Styles » (supplément au magazine L’Express9) et Télérama10,

  • d’autre part, la communication en ligne, « vedette » actuelle de la communication médiatée, avec le moteur de recherche11 Google (à son tour « vedette », puisqu’il s’agit du moteur le plus consulté à ce jour) et sa principale page de résultats issue de la demande par le mot-clé « design ».

Note de bas de page 12 :

 Périodique abondamment illustré, le plus souvent hebdomadaire, proposant au grand public de l’information générale (news magazine) ou spécialisée (magazine féminin).
Lexique de la presse écrite, sous la direction de Pierre Albert, Paris, Dalloz, 1989

Les espaces étudiés dans les deux magazines12 sont ceux qui ont le statut d’étape-clé à la lecture, alloués d’une part à la promesse médiatique (la première de couverture), d’autre part à l’annonce médiatique (la page qui introduit le dossier spécial que nous désignons par première de dossier) concernant le Design.

Note de bas de page 13 :

 En effet, notre observation régulière des pratiques avec les médias de publics adultes non spécialistes en informatique (étudiants ou non) permet de signaler que seraient consultés fondamentalement lors d’une demande les réponses non encadrées, c’est-à-dire, généralement, celles situées à partir de la troisième place dans la page des résultats (mais dès la première réponse si absence de cadre) ; quant à la colonne de droite, rubriquée « liens commerciaux », elle semblerait soigneusement évitée des utilisateurs. En fait, il s’agit de contourner voire d’éviter toute réponse pour laquelle les annonceurs ont payé pour bénéficier d’un meilleur affichage, le public interrogé estimant que les réponses ne sont pas à la hauteur des attentes. Pour ce qui des pages suivantes des résultats, elles seraient également peu consultées, estimées comme étant trop éloignées de la demande. A notre avis, une étude des réponses affichées dans des pages autres que la première page de résultats pourrait bien déstabiliser cette « croyance ».

Le même principe méthodologique est appliqué à Google : est retenue pour notre étude la première page des résultats et la colonne principale13, à savoir la plus consultée, censée donner les informations les plus proches à la demande par mot-clé.

Il est vrai que Magazine et Moteur de recherche ne s’inscrivent pas dans la même optique médiatique du fait que leurs promesses ne participent pas du même contrat de communication. Aussi, un magazine hebdomadaire est un rendez-vous médiatique (qu’on soit abonné ou non), un moteur de recherche Internet est une assistance médiatique (selon le principe question/réponse). En revanche, tous deux sont des adjuvants « médiatiques ». En effet, si tout medium de communication est un adjuvant pour la communication, il l’est en termes de « diffusion » c’est-à-dire en termes d’engagement du discours selon le mode d’attribution (soit le mode transitif de l’acquisition) mais pas forcément en termes de « médiatisation » qui caractérise, selon nous, le processus de communication du discours en termes d’appropriation lors de sa réception (soit le mode réfléchi de l’acquisition). Est ici postulé que les modalités de mise en discours d’une part Magazine et d’autre part Moteur de recherche profilent une convergence en termes de construction de l’objet culturel Design en fonction de contrats de communication hétérogènes. « Adjuvant médiatique » désigne alors la médiatisation en termes d’appropriation de l’objet, et nous faisons l’hypothèse que Magazine et Moteur de recherche participent de la même manipulation (au sens sémiotique de celle-ci) énonciative. Nous entendons par là que la scène médiatique (Magazine / Moteur de recherche) relative à l’appropriation du Design se construit en fonction d’un Design dont la valeur culturelle est signifiée en tant que valeur médiatique.

Note de bas de page 14 :

 Les limites de l'Interprétation, 1992, Paris, Grasset et Fasquelle, p.39 et suivantes

Quant aux contrats de communication, ils ne sont hétérogènes qu’en tant qu’ils constituent des valeurs d’usage différentes au profit de la « transformation » du savoir préalable de leur récepteur comme valeur de base. Nous postulons que le Design est lui-même une valeur d’usage au titre d’« alibi médiatique » : il est utilisé (au sens de Eco14) pour conforter la  pratique médiatique. Cette fonction d’alibi est construite par les valeurs que chaque mise en discours investit le Design. Si la procédure de mise en discours semble évidente pour le Magazine elle l’est peut-être moins pour le Moteur de recherche ? Est-ce qu’on peut considérer la page des résultats Google comme une mise en discours ? En termes sémiotiques, certainement que oui : la page des résultats Google est une scène, la scène de médiatisation d’un savoir-être et d’un savoir-faire médiatiques.

3 – Design, manipulation médiatique et répercussions axiologiques

Alors, quelle(s) valeur(s) attribue au Design sa médiatisation via magazine(s) et moteur de recherche ?

A quel niveau opère l’évaluation médiatique de la mise en relation entre Design et récepteur ? Quoi dans l’évaluation du Design par les magazines participe de la « bonne » image du Design pour le récepteur ? Et, quel(s) profil(s) pour le Design engendrent les critères de sélection des résultats Google  ?

Aux différentes mises en discours correspond-t-il autant de mises en valeur pour le Design ?

Notre étude convoquera les trois exemples selon une description qui s’adapte à la fois à la spécificité médiatique de chaque exemple et à l’évolution de la description elle-même.

Enfin, ce qui fait office de pertinence ce n’est ni une description ni une analyse exhaustives mais la sélection des ruptures adéquates, suffisantes et nécessaires, pour questionner notre objet en fonction de notre hypothèse.

Note de bas de page 15 :

 Nous remercions le magazine L’Express de son autorisation de publier les deux pages étudiées, inhérentes à l’Express Styles n°3037, édition du du 17 septembre 2009.

4 – Pour commencer : l’exemple de L’Express Styles15, quelques remarquesde surface

4.1 – Première de couverture

Fig. n°1 : Première de couverture L’Express Styles

Fig. n°1 : Première de couverture L’Express Styles

Note de bas de page 16 :

 On privilégie « promesse » à « horizon d’attente » du fait que, méthodologiquement, notre « texte » est de niveau « scène médiatique » : notre objet est le Design en fonction du faire-réceptif et non en fonction de sa réception.

Voici, les promesses16 globales de cette première de couverture par rapport au Design :

  • Le dossier principal de cette édition sera le Design : seul l’intitulé de ce dossier est écrit en majuscules et le seul dossier pour lequel est indiqué le nombre de pages accordées (soit 30)

  • Densité et richesse d’informations

  • Rétrospective

  • Mise en attente / effet de surprise (les points de suspension font attendre « encore plus »)

  • Design orienté « mode » (tendances)

  • Dossier structuré (par thématiques).

Cette page, fondamentale en matière de promesse médiatique, projette quatre profils pour le Design en fonction de la syntagmatique de son accroche verbale :

« Tendances (profil design-mode), pièces
cultes
(profil design-savoir), idées futées… (profil design-ludique)
30 pages pour
tout changer 
» (profil design-agitateur).

4.2 – Première de dossier

Fig. n°2 : Première de dossier L’Express Styles

Fig. n°2 : Première de dossier L’Express Styles

Annonce de la première page du dossier Design par rapport aux promesses de la première de couverture :

  • Reprise « Tendances »mais une seule tendance est citée

  • Saison confirme orientation « Mode » pour le Design

  • Dossier structuré par 4 rubriques.

Nouvelles promesses :

  • Design d’intérieur (photo tabouret)

  • Découverte d’artistes (Navone, Stadler, Gady)

  • Design-art associé à design-mode (notion de « chic imparfait »)

  • Formateur (leçon de design)

  • Rubriques traitées en équivalence mais selon une hiérarchie qui départage le design-savoir.

Représentation par tableau des glissements entre profils du Design pour chaque espace scriptovisuel :

Tableau n°1 : Mise en place des profils Design dans L’Express Styles

L’Express Styles – Première de couverture

Scriptural

SPECIAL
DESIGN

Tendances

Pièces cultes

Idées futées

30 pages pour
tout changer

De la promesse
Design-Information

à la promesse Design-
Appropriation

 
 

Design-mode

 
 

Design-savoir

 
 

Design-ludique

 
 

Design-agitateur

Le profil-mode oriente la promesse « Information » en tant que « Actualité »

Le profil-savoir spécifie la promesse « Actualité » en tant qu’ «événementiel»

Le profil-ludique introduit la promesse « appropriation »

Le profil-agitateur «(cf : « tout changer ») garantit  les effets de la promesse « appropriation »

Visuel

Image3

Pas de référence visuelle au Design

Dans L’Express Styles les spécificités sémiotiques de la première de couverture comme espace de la promesse médiatique postulent un lecteur averti en culture médiatique.

Transition par profil Design-agitateur au titre de design-rupture et au bénéfice de design-mode

L’Express Styles – Première de dossier

Scriptural

Spécial Design

Rencontre

Paola Navone, le chic imparfait

Best-of…

Les 35 pièces coup de cœur de la saison

Tendances

La nouvelle vague baroque

Exclusif

Robert Stadler, Jean-Marc Gady et les 5.5 nous offrent une leçon de design

Du Design-
Provocateur

Au Design-
Approprié

Design-agitateur

Design-mode

Design-mode

 
 

Design-savoir
/ Design-ludique

Le profil-agitateur s’engage (tel un relais) en fonction d’une rupture

C’est la rupture « mode » qui devient centrale.

L’appropriation est annoncée en fonction du profil-ludique, fonction qui installe Magazine et lectorat sur le même niveau (cf. « nous »)

Le profil-agitateur s’engage (tel un relais) en fonction d’une rupture

Visuel

Image4

Structure de l’espace Design-dossier (première de dossier)
et structure de l’espace magazine (première de couverture) entrent en dialectique en tant que « protagonistes » médiatiques.

Dans L’Express Styles les spécificités sémiotiques de la première de dossier comme espace de l’annonce médiatique postulent un lecteur sensible à l’acquisition par le médiatique.

Note de bas de page 17 :

 Notre étude concerne la première de couverture et la première de dossier intitulées également Spécial Design du magazine Télérama n°3119, édition du 24 octobre 2009. Nous remercions le magazine Télérama de son autorisation de publier ces deux pages.

5 – L’exemple de Télérama17

5.1 – Première de couverture

Fig. n°3 – Plan schématique de la première de couverture Télérama

Fig. n°3 – Plan schématique de la première de couverture Télérama

image

Deux plans de perception organisent cet espace scripto-visuel comme espace signifiant c’est-à-dire en termes de construction qui participe de la direction du sens et organise la signification :

  • En plongée. Par cette perception en « plongée » se met en place une lecture selon le mouvement concentrique de l’escargot :

Fig. n°4 – Parcours de lecture par perception  « en plongée »

Fig. n°4 – Parcours de lecture par perception  « en plongée »

qui met en valeur une action, celle de « l’introduction d’objets » dans l’espace de la page.

  • De face. Mise en valeur d’une intégration par création d’une troisième dimension, celle entre une installation (table + vase + figurine) et une figure (à valeur) géométrique aux traits noirs, de type parallélépipède :

Fig. n°5 - Parcours de lecture par perception  « de face »

Fig. n°5 - Parcours de lecture par perception  « de face »

Les axes-forces de cette double perception déterminent un ensemble de rayons selon un mouvement, toujours, concentrique qui engage la convergence des « objets » vers la « structure » géométrique aux traits noirs, ici en pointillés :

Fig. n°6 – Cinq entrées / une appropriation « globale »

Fig. n°6 – Cinq entrées / une appropriation « globale »

Note de bas de page 18 :

 Wassily Kandinsky, Du spirituel dans l’art, Paris, Denoël, 1969

Cette structure matérialise l’espace de la mise en scène potentielle de ces cinq objets selon des lieux de vie variables pour ces objets (volume-maison, volume-commercial, volume-bureau …). Par ailleurs, le chromatisme bleu de l’arrière-plan, pôle chromatique dit « froid », favorise la perception par mouvement concentrique18 ce qui conforte le mouvement d’introduction des éléments iconiques « objet design » à l’intérieur de la figure géométrique.

Cette structure constitue l’espace-genèse des lieux d’existence de l’objet Design : le parallélépipède, projection du lieu virtuel des différentes formes de « vie artistique et sociale » du Design. Avec cette première de couverture, le Design participe de « notre » volume/espace de vie, sémiotisant la structure géométrique comme la projection de la « vie du lecteur » en fonction de la « vie sociale et artistique » du Design.

Toutefois, dans ce cas de « lieu virtuel », l’action « introduction de cinq objets dans l’espace de la page » impliquerait soit l’introduction des objets dans l’espace de la structure (telle que nous venons de la configurer), soit le contraire à savoir le retrait des objets de l’espace de la structure ce qui participerait pleinement d’un processus de réalisation dynamique. En effet, le mouvement des « mains porteuses d’objets » peut-être soit un mouvement d’introduction d’objet soit un mouvement de retrait d’objet. L’espace/temps de cette première de couverture serait alors le temps « partagé » par deux actions contraires (soit le temps de saisie d’une actualisation), temps qui participe, à la fois, de l’action de mise en espace et de l’action de mise hors espace :

Fig. n°7 – L’actualisation du Design

Fig. n°7 – L’actualisation du Design

Par conséquent, l’action « introduction de cinq objets dans l’espace de la page » doit être comprise en fonction de la figure « structure en volume » comme lieu des modes d’existence du Design. Dans tous les cas, les deux modes de perception se finalisent au même lieu visuel, matérialisé par la chute de la flèche, celui de la représentation d’une table (« rouge »), et de ses objets (« vase », « figurine ») telle une « nature morte », représentation qui donne à voir une autre, celle de la structure géométrique aux traits noirs.

En fait, cette structure est l’esquisse d’un faux parallélépipède dû à une impossible perspective cavalière :

Fig. n°8 – Structure d’un faux parallélépipède

Fig. n°8 – Structure d’un faux parallélépipède

puisque les lignes directrices auraient dû configurer une structure qui peut être celle des deux représentations suivantes :

Fig. n°9 – Exemple d’un possible parallélépipède rectangle

Fig. n°9 – Exemple d’un possible parallélépipède rectangle

Fig. n°10 – Exemple d’une perspective possible de cube

Fig. n°10 – Exemple d’une perspective possible de cube

Aussi, les deux plans de perception, construits selon le principe d’une multi-orientation associée à une pluri-figuralité, de taille et de forme variables, créent la valeur de désordre et, sur fond de faux parallélépipède, signifient un espace en déstructuration en fonction d’un illogisme visuel, une incohérence perceptive. La construction proposée par le magazine (cf : Fig. n°8) renforce alors l’effet sémiotique de « déstructuration ».

Note de bas de page 19 :

 Conformément à la classification d’Itten, Art de la couleur, Allemagne, Larousse-Bordas, 1998, p. 45

Quant, à la figure ovale à valeur de « palette » encadrant le scriptural « spécial Design », elle participe de façon privilégiée à la mise en place du « Design-art » et, grâce à ses atouts visuels, elle répercute cette qualité du Design dans le reste de la page. En effet, cette figure met en réseau visuel « outil artistique » et « objet » au profit de la signification « objet artistique » en fonction du contraste chromatique « chaud/froid »19 inhérent à la « palette » mais d’où sont exclus le code chromatique le plus chaud (« orange-rouge » de l’objet introduit en bas à gauche dans la page) et le code chromatique le plus froid (« bleu-vert » de l’objet introduit en haut à gauche dans la page) :

Fig. n°11 - Contraste chaud/froid optimal

Fig. n°11 - Contraste chaud/froid optimal

L’univers de référence Design, traité en fonction de la valeur « volume », signifie l’objet « table », l’objet « vase », l’objet « tapis » etc, pour lui-même en l’inscrivant dans une visée d’appropriation du « spatial », introduite par le (faux) parallélépipède qui « met en volume ».

La rencontre sur la même aire visuelle entre « objet » et « volume » (donc, espace en extension) en fonction d’un décalage visuel convoque le thème de la créativité artistique avec comme référence principale celle de l’« Installation » qui définit des œuvres conçues pour un lieu donné, ou adaptées à ce lieu, et constitue un environnement qui sollicite la participation du spectateur.

Enfin, la valeur de « ludique » (valeur marquée par l’euphorie actuellement notamment en matière « d’appropriation ») est activée par la mise en scène journalistique de cette première de couverture où la construction de l’espace Design se profile tel un jeu de construction.

Ces spécificités sémiotiques de la première de couverture de Télérama comme espace-lieu de la promesse médiatique postulent un lecteur sensible en culture artistique. Quant au Design, et par référence à la première de couverture de L’Express Style, il s’annonce tel un design-agitateur au sens d’artistique.

Note de bas de page 20 :

 Dans le tableau (n°2) qui suit ces figures, le texte écrit principal, mis en deux colonnes, est rapporté et peut donc être aisément consulté

5.2 – Première du dossier20

Fig. n°12 - Première de dossier

Fig. n°12 - Première de dossier

image

Note de bas de page 21 :

 Le terme d’appropriation est ici convoqué dans son sens commun et non dans son sens sémiotique

Télérama, comme L’Express Styles mais selon une stratégie énonciative de la « complicité renforcée » avec son lecteur, met en place le Design selon une vulgarisation « déguisée » en échange du type « d’égal à égal» avec le lecteur par activation du processus d’appropriation21 et en vue de la confirmation non pas du Design mais du lecteur comme rupture.

Aussi, le texte écrit prolonge le design-approprié que la première de couverture suggérait avec l’introduction du Design dans un « volume de vie ».

Cette confirmation du design-approprié se construit également par principe de référence culturelle à un savoir à construire ou déjà construit (dans l’ordre : étymologie du mot, Philippe Starck, le plus médiatisé et donc le plus connu des designers en France, Milan, le lieu de prédilection du design), couplé à une valeur de consommation (enseigne commerciale grand public IKEA). La chute de cet édito s’opère par retour au design-rupture en fonction d’une autre référence, philosophique, qui active la barrière avec le grand public et actualise le lecteur Télérama comme lecteur hors grand public.

Quant à la forme cubique de la lettrine « i », extraite de la même forme non colorée du titre « spécial design » de la même page, elle convoque la dimension ludique que la première de couverture suggérait avec la mise en scène du jeu de construction autour du protagoniste « objet  design ».

Le projet axiologique de l’auteur du texte écrit par rapport au Design introduit et oriente les attentes du lecteur au moyen d’un faire-réceptif marqué par les étapes suivantes et repérées grâce au découpage du texte en paragraphes :

Tableau n°2 : Stratégies verbales et faire-réceptif

Note de bas de page 22 :

 L’ensemble est souligné par nos soins

Note de bas de page 23 :

 La mise entre guillemets doit-elle être comprise comme si le terme « métier » n’était pas considéré dans ses définitions ordinaires de « genre d’occupation manuelle ou mécanique qui trouve son utilité dans la société » ou « tout genre de travail déterminé, reconnu ou toléré par la société et dont on peut tirer ses moyens d’exister » - Dictionnaire Le Petit Robert, 1989

Paragraphes

Attentes présumées du lecteur

Attentes générées au lecteur

« Imaginez un monde sans design. Des meubles carrés, efficaces au dessin neutre ; des voitures coulées dans le même moule ; des lampes, des chaises, toutes semblables, juste usuelles, banales »

  • Le Design participe de l’univers de références du lecteur.

  • La complicité culturelle entre lecteur et auteur du texte écrit (que selon la logique de notre étude nous assimilons à Télérama).

L’attente préalable « Design constitutif de l’univers de références du lecteur » sert à créer l’euphorie par rapport à l’utilité culturelle du design.

« Stop, n’imaginez plus : ce cauchemar n’a plus lieu d’être depuis que l’homme s’est épris de beauté, de nouveauté, d’unicité. Avant même l’invention du mot « design » (disegno, en italien, employé à Rome, Venise, Florence dès la Renaissance), les artisans du monde entier aimaient habiller leur travail d’un voile de personnalité. Une quête de différence que le passage à l’ère industrielle n’a fait qu’amplifier, le cauchemar du meuble unique, de la voiture standard n’ayant heureusement pas résisté très longtemps »

  • En guise de relais aux attentes précédemment générées, le terme « cauchemar » augmente :

    • la valeur euphorique liée au Design

    • la complicité lecteur / auteur.

  • Le lecteur n’est pas un béotien, il faut lui parler du design hors situation d’apprentissage : absence de définition mais présentation selon le mode de réflexion. Aussi, l’auteur donne au lecteur les clés pour une définition du design sans pour autant la lui prescrire.

La double valeur artistique et artisanale du Design est annoncée comme constitutive de sa spécificité créative. Cette conception du design sera celle à partager entre lecteur et Télérama. Le lecteur est configuré « hors norme ».

Télérama installe son contrat de lecture.

« En 2009, comme depuis la fin du XIXe siècle, le « design » est l’un des grands ressorts de la créativité : partout dans tous les domaines, des amoureux de technique et d’esthétique cherchent à concilier leurs deux passions. Ou comment, en tenant compte des contraintes fonctionnelles d’un objet, lui apporter un sérieux supplément d’âme, apte à séduire le public, les publics. »

Néanmoins, le lecteur a besoin d’en savoir plus : Télérama doit assurer une mission de diffusion des connaissances assortie de la mise à disposition 1) d’un point de vue sur les faits culturels 2) d’une présence accrue sur l’actualité culturelle.

Télérama poursuit dans la perspective des objectifs de son contrat de lecture : cette fois le lecteur est configuré « interlocuteur » engagé, aux côtés de Télérama, dans un point de vue qui surplombe la culture d’une société.

« Sauf que le temps passant, l’innovation, la vraie, se fait de plus en plus rare. Raison pour laquelle nous22 avons souhaité interviewer Philippe Starck (page 22), peut-être le designer français qui a le plus réfléchi à l’essence même de son « métier »23. Puis nous vous proposons un inventaire de quelques créations d’aujourd’hui. De plus en plus divers, de plus en plus technique, le design du XXIe siècle se cherche de nouveaux matériaux, de nouvelles formes (notre sélection page 34). Nous partons aussi à la rencontre de jeunes designers (page 50) ainsi qu’en Suède, chez Ikea, temple du « design démocratique » (page 28), et à Milan, capitale mondiale de la créativité à partir de laquelle les éditeurs arrosent la planète (page 44). L’occasion de vérifier ce que le philosophe français Gaston Bachelard a formulé mieux que quiconque : « On ne pourra bien dessiner le simple qu’après une étude approfondie du complexe. »

Télérama, en activant en alternance fonctions expressive / conative,  dans un premier temps (« nous ») prend ses distances avec le lecteur rompant la chaîne de la complicité culturelle, dans un second temps (« nous vous ») implique le lecteur pour enfin (« nous ») associer le lecteur dans ce projet de promotion du Design  au profit d’une double promotion extra-design :

  • médiatique, promotion pour Télérama et son éditorial

  • culturelle, promotion pour son lectorat.

L’ordre modifiant le flux lors de la convocation des sujets traités dans le dossier (de la page 22 à la page 34 et à la page 50 mais retour à la page 28 et fin à page 44) déplace place le design comme valeur commerciale du grand public entre Starck et créations actuelles pour le placer entre jeunes designers et Milan. Aussi, le sujet « Ikea » constitue une rupture dans le flux rapporté par cet édito (surplombant les autres), attirant l’attention du lecteur sur le traitement par Télérama du design « populaire » au sens de « design de série » / « design pour tous » ramenant ainsi le design à sa fonction d’origine, suggérée par la première de couverture. Cette stratégie énonciative introduit, de nouveau, une définition (sans prescription explicite, le lecteur averti est confirmé) celle du Design entre démocratisation et élitisme .

5.3 – Remarques de niveau intra-medium de communication

Quant au tableau suivant, il confronte les deux magazines en termes de stratégie médiatique :

Tableau n°3 : Medium de la communication et Design

Note de bas de page 24 :

 Dans une tâche d’apprentissage, les variables didactiques sont des paramètres qui, lorsqu’on agit sur eux, provoquent des adaptations, des régulations et changements de stratégie(Wikipedia).

Note de bas de page 25 :

 Une lettrine est une lettre initiale majuscule placée en tête d'un texte et occupant une hauteur supérieure à la ligne courante.

Note de bas de page 26 :

 Au sens commun de ce terme

Note de bas de page 27 :

 Relative à la question du « point de vue »

L’Express Style

Télérama

1ère
de
couverture

C’est le scriptural qui assure la mise en contact du lecteur avec le Design ; c’est le scriptural l’activateur de la fonction phatique pour le Design.

C’est le visuel qui assure la mise en contact du lecteur avec le Design ; c’est le visuel l’activateur de la fonction phatique pour le Design.

Editorial pluri-thématique avec un dossier principal sur le Design

Editorial d’un dossier principal sur le Design, et une thématique annexe

Promesse de diversité médiatique
au niveau medium de communication

Promesse d’exclusivité médiatique
au niveau medium de communication

Le Design est la valeur éditoriale principale du numéro

N° dédié au Design dans la mesure où le Design domine la variété éditoriale du numéro au sens de variété médiatique : l’Express positionne le Design comme le protagoniste de l’actualité médiatique.

N° dédié au Design dans la mesure où le Design est la variable éditoriale du numéro au sens de variable didactique24 : Télérama positionne le Design comme le paramètre de sa stratégie de médiation culturelle.

1ère
de
dossier

Lecteur profilé : à la recherche de connaissances sur le Design (Navone, Stadler, Gady, vague baroque)

Lecteur profilé : à la recherche d’un point de vue sur le Design (Stark, Ikea …. comme modes d’accès)

C’est le visuel (contraste chromatique « de valeur » + très gros plan – à valeur d’insert - sur « tabouret ») qui assure la mise en contact du lecteur avec le Design ; c’est le visuel l’activateur de la fonction phatique pour le Design.

C’est le scriptural qui assure la mise en contact du lecteur avec le Design ; c’est le scriptural l’activateur de la fonction phatique pour le Design. Même les contrastes chromatiques de « qualité » et de « quantité » favorisent la valeur d’ornement typographique du « i » (= lettrine25).

Vocabulaire à valeur d’accroche publicitaire (best of, nouvelle vague, exclusif).

Vocabulaire à valeur de médiation (retour sur le « connu » - Stark, Ikea …. – pour le « penser » autrement).

Design associé à une promesse médiatique de valeur esthétique 26

Design associé à une promesse médiatique de valeur éditoriale27

Design et exclusivitémédiatique

Design et diversité culturelle

Dans les deux cas, le Design est investi du statut d’objet de valeur, chaque magazine le positionne dans la scène de la quête. Dans les deux cas, le Design est positionné telle une valeur d’usage, il est le moyen qui permet l’acquisition d’autre chose que lui-même.

Dans les deux cas, Magazine et Lecteur finissent par former  explicitement « un seul corps » ce qui (tout en activant la stratégie mass-médiatique habituelle, censée guider le lectorat dans ses quêtes par «classement» de ses attentes « culturelles ») se caractérise par le fait d’activer l’évaluation du Design en fonction du processus d’acquisition lui-même.

6 – Le moteur de recherche Google

Avec ce dernier exemple, est abordée la problématique des nouvelles technologies comme  point de vue médiatique sur le Design en fonction d’une pratique médiatique, celle d’Internet et sa propre scène communicationnelle.

Voici, alors, ce que Google propose à la demande par mot-clé « design » :

Fig. n°13 : La première page de résultats sur Google, le 30 septembre 2009, à 8h45

Fig. n°13 : La première page de résultats sur Google, le 30 septembre 2009, à 8h45

Quel type de site Internet par rapport au Design propose l’intitulé de la page principale « résultats Google » ? Quelles attentes par rapport au Design construit cet intitulé (dans sa totalité)  ? Quel objet de communication constitue le Design pour chacun de ces sites ? Alors, quel profil pour le Design dans sa médiatisation en ligne ? Le tableau suivant permet de visualiser une synthèse en fonction de ces questions :

Tableau n°4 : des profils médiatiques aux profils culturels

Promesse Site

Profil du site

Profil du Design

Le site madeindesign.com annonce une boutique de déco Design

Commercial / mode

Design-mode

Le site wikipedia.org/wiki/Design annonce la définition du Design

Pédagogique

Design-savoir

Le site absolumentdesign.com annonce une boutique de déco Design

Commercial / mode

Design-mode

Le site atylia.com annonce une boutique de déco Design

Commercial / mode

Design-mode

Le site admirabledesign.com annonce un magazine d’information sur le Design

Information / actualité

Design-savoir

Le site leblogdeco.fr annonce un échange autour de la décoration Design

Ludique / mode

Design-ludique
Design-mode

Le site tribu-design.com annonce une encyclopédie du Design

Information / création

Design-savoir

Le site blogdecodesign.fr annonce un échange sur la mode Design

Ludique / mode

Design-mode
Design-ludique

Les intitulés de ces sites Internet pré-figurent le Design soit dans un profil de « consommation » (3 sites), soit dans un profil « apprentissage » (2 sites), soit dans un profil « nouvelles technologies » (sites blog), soit dans un profil « news » (1 site). La valeur commerciale du Design est donc prioritaire, articulée avec un design-décoration qui participe du profil que nous avons identifié par design-mode. Les profils annonceurs de « consommation médiatique » (blog et news) participent des spécificités communicationnelles du Réseau et sont également de type Design-mode. Quant à la dimension « apprentissage », elle participe également de la promesse : nous y retrouvons les mêmes promesses globales que sur L’Express : en effet, les fonctions commerciale et décorative du Design constituent ce qui fonde sa valeur culturelle pendant cette période de forte médiatisation ainsi que nous l’avons précisé au début de notre étude.

6.1 – Remarques inter-medium de communication à valeur de conclusion

L’étude des modalités de médiatisation du Design en fonction d’une hiérarchie de profils nous oriente à identifier les trois mises en discours comme autant de lieux de réception du Design et au profit d’une mise en valeur. Cette mise en valeur s’actualise chaque fois en fonction de quatre profils (le design-mode, le design-agitateur, le design-ludique et le design-savoir) constitutifs du processus de médiatisation de Design comme catégorie :

Fig. n°14 : Médiatisation des valeurs culturelles du Design

Fig. n°14 : Médiatisation des valeurs culturelles du Design

L’Express-Styles positionne l’appropriation par « apprentissage d’un savoir-faire culturel » en fonction d’une relation de présupposition réciproque entre les profils mode et agitateur qui bénéficie au Design comme rupture de niveau « usage » propre à une époque. La dimension individuelle de l’appropriation se réalise par la participation à une expérience collective. Les relations de contradiction convoquent des manipulations inter-profils (cf. Tableau 1)  : le profil mode fait croire au profil savoir, le profil ludique fait croire au profil agitateur (sans co-existence effective entre eux). La médiatisation se signifie « événement médiatique » par une mise en discours de « profils relayés » du Design.

A partir de la même relation de présupposition réciproque entre les profils mode et agitateur, Télérama positionne l’appropriation par « savoir culturel » au bénéficie du Design érigé en rupture idéologique. La dimension individuelle de l’appropriation se réalise par l’investissement d’un statut (qui est celui de « lecteur »). Les relations de contradiction participent, ici, des hiérarchies inter-profils : le profil mode est disjoint du profil savoir (la présence du Design-savoir se réalise par l’absence de Design-mode) ; le profil agitateur est disjoint du profil ludique (cf. valeur idéologique du Design-art comme rupture culturelle).

La médiatisation se signifie « événement médiatique » par une mise en discours de « profils triés » du Design.

Quant à Google, malgré l’hétérogénéité de son contrat de communication par rapport aux magazines de la presse écrite, il positionne l’appropriation par « savoir-faire médiatique » lié au mode d’accès Internet. La dimension individuelle de l’appropriation se réalise dans l’action de jouer « à la communication » propre à une époque pour découvrir les usages de cette époque. En fonction de la même relation qualitative de base d’un Design aux multi-profils médiatiques, le moteur de recherche médiatise « profil par profil » du Design (site Internet mode ou site Internet savoir ou site Internet jeu etc, parfois avec de « faux » binômes). Les relations de contradiction participent d’un isolement inter-profils (par exemple, pas de co-existance entre décoration et wikipédia), parfois sous forme d’articulation privilégiée  inter-profils (co-présence de blog – design-ludique - et de décoration – design-mode). La médiatisation se signifie « événement médiatique » par une mise en discours de « profils disjoints » du Design.

Par conséquent, l’intérêt d’une telle étude comparative se situe moins dans l’identification des profils et des valeurs culturelles que ces profils déterminent (en effet, on aurait pu se douter, par exemple, que Télérama favoriserait les profils agitateur et savoir) que dans l’identification des conditions de leur production. Mais il se situe également dans l’identification de la scène de communication élaborée pour le Design dans le cadre de l’univers de référence d’une pratique de communication, et de ses enjeux de niveau « politique de communication ».