Repenser la construction transméditerranéenne de la sexualité « minoritaire » Rethinking the trans-Mediterranean construction of “minority” sexuality : Rachid O., Abdellah Taïa and Eyet-Chékib Djaziri

Rachid O., Abdellah Taïa et Eyet-Chékib Djaziri

Gibson NCUBE 

https://doi.org/10.25965/dire.497

Abdellah Taïa, Rachid O. et Eyet-Chékib Djaziri font partie d’une nouvelle vague d’écrivains maghrébins qui traitent ouvertement du thème de la sexualité « minoritaire » dans leurs communautés arabo-musulmanes. À partir des apports philosophiques de Svetlana Boym sur la nostalgie, cette contribution se propose d’analyser la construction de l’homosexualité contre les cadres de la mémoire, de l’histoire et de la mélancolie. Les romans de ces auteurs contemporains mettent en scène des protagonistes exilés et homosexuels qui se retrouvent piégés dans une subtile ligne de faille entre un Maghreb chéri mais aussi homophobe et une France plus libérale et pourtant froide et hostile. Il s’agit dans le déplacement transméditerranéen d’un élément important non seulement d’une tentative de construire une subjectivité homosexuelle mais aussi d’un travail de reconnaissance et de mise en évidence de la sexualité « minoritaire » surtout au Maghreb où « le poids du tabou sexuel est incontestablement le plus insurmontable même au niveau du discours » (Serhane, 1995 : 25).

Abdellah Taïa, Rachid O., and Eyet-Chékib Djaziri are part of an emergent crop of North African writers who openly tackle the theme of “minority” sexuality in Arab-Muslim communities. Drawing on the philosophical reflections of Svetlana Boym on nostalgia, this paper sets out to analyse the construction of homosexuality against the concepts of history, memory and melancholia. Through a representation of exiled homosexual protagonists, the novels of the three writers reconstruct the difficulty of constituting an exclusively “gay” identity in an interstitial space between a cherished yet homophobic Maghreb and a more liberal but hostile French milieu. The criss-crossing of the Mediterranean is an important element not only in the construction of a homosexual subjectivity but also in recognising and rendering visible “minority” sexuality which, especially in the Maghreb, remains shrouded in an insurmountable veil of sexual taboo.

Sommaire
Texte intégral

Introduction

Note de bas de page 1 :

 Dans son livre Queer Nations: ‘Marginal’ Sexualities in the Maghreb, Jarrod Hayes utilise indistinctement les termes «sexualité dissidente », « sexualité minoritaire » et « sexualité marginale » pour désigner toute orientation sexuelle qui s'écarte de l'hétéronormativité. Il emploie ces termes entre guillemets afin d’accentuer la subjectivité qui entoure leur utilisation, surtout dans l'analyse littéraire. Il note dans l’introduction de ce livre que d’un côté, les œuvres littéraires traitant du thème de la sexualité non-normative mettent en scène des personnages qui sont ostracisés à cause de leur orientation sexuelle. En en plaçant de tels personnages au centre de l’univers littéraire, les écrivains les déplacent de la marge afin de les mettre au centre de l’espace littéraire. La focalisation littéraire sur les héros homosexuels contraste, et subvertit même, la marginalisation sociale réelle que doivent affronter ces personnages dans leurs milieux sociaux quotidiens. En ce sens, l’espace littéraire se transforme en un lieu de libre expression de la sexualité non-normative  par directe contraste avec le monde du quotidien où la sexualité dite déviante est poussée à la périphérie de la société. Dans le contexte de la présente analyse, l’expression « sexualité minoritaire » s’utilise pour faire référence à l’homosexualité, des auteurs comme pour leurs protagonistes.

Il est indéniable que le monde actuel s’est transformé de plus en plus en un village planétaire et transnational où les frontières séparant les pays et les continents se sont effritées pour laisser place à une importante perméabilité interculturelle. Les espaces liminaires qui sont produits par la rencontre de ces différentes cultures sont eux-mêmes d’importants sites par lesquels il est possible d’aborder diverses questions qui touchent surtout aux identités. Nous tenterons ici d’apporter quelques éclaircissements interprétatifs qui se dégagent de la notion de nostalgie de Svetlana Boym (2001 : xv) ainsi que du concept du « tiers-espace » proposé par Homi Bhabha (2007 : 30) afin d’expliquer la construction de la sexualité « minoritaire »1 des protagonistes des œuvres de trois romanciers d’origine maghrébine résidant en France. Notre hypothèse de départ est que la navette entre les deux rives de la Méditerrané crée un tiers-espace qui s’offre comme un élément important dans la construction de l’identité homosexuelle des protagonistes-narrateurs. Cette hypothèse soulève la complexité et la contradiction d’un projet de construction identitaire centré simultanément autour de la liminalité et de l’incessant désir de s’ancrer dans un groupement des semblables. Burgi-Golub note à juste titre qu’il s’agit d’un « entre-deux qui oblige à se réinventer une place parmi ceux qu’[on] a quittés, à s’en inventer une autre et à se la construire dans l’univers de son présent, à se redéfinir dans son rapport à autrui et au monde » (1999 : 34). En tenant compte de ce propos de Burgi-Golub, cet article se propose d’analyser la construction d’un « moi » homosexuel dans les romans de trois écrivains : les Marocains Rachid O. et Abdellah Taïa ainsi que le Franco-Tunisien Eyet-Chékib Djaziri. Les protagonistes-narrateurs de ces écrivains sont de jeunes hommes d’origine maghrébine habitant en France où ils essaient de se construire et d’assumer l’identité homosexuelle à travers sa négociation transméditerranéenne.

La présente analyse fait appel aux réflexions philosophiques de Boym (2001 : xv) sur la nostalgie. Elle postule que la nostalgie est un phénomène complexe avec des effets surtout pour les exilés en ce qu’elle représente la situation de la femme de Lot, une peur de regarder en arrière qui pourrait paralyser une personne à jamais, la transformant en une statue de sel, un piteux monument à sa douleur et à la futilité de son départ. Cela dit, nous affirmons aussi que dans les romans des trois écrivains ci-dessus mentionnés, la nostalgie est à la fois cathartique et paralysante pour les protagonistes homosexuels qui se retrouvent subtilement déchirés entre un Maghreb chéri mais homophobe et un milieu français libéral mais hostile aux étrangers. La nostalgie est un élément central dans la construction d’une subjectivité homosexuelle qui se veut une subversion des discours essentialistes de normalisation sexuelle, nationale et ethnique. Ces textes fragilisent ainsi les catégories et les identités collectives qui sont réifiées par des discours et des récits nationalistes.

Nous nous servirons également de la notion du « tiers-espace » que propose Bhabha (2007 : 30). Il s’agit dans ce concept d’un lieu qui se situe à l’extérieur des polarités, un troisième élément dans une équation qui doit rester indéterminée. C’est au sein de cet espace qu’il y a création et altération. Le tiers-espace se présente dans les romans de nos trois écrivains comme un élément qui déstabilise la dichotomie Maghreb-France afin de proposer une condition préalable à l’articulation de la sexualité dite déviante. Comme le signale Bhabha,

« le désir de descendre dans un territoire étranger […] peut révéler que la reconnaissance de l’espace différenciant de l’énonciation ouvre éventuellement la voie à la conceptualisation d’une culture internationale, fondée non pas sur l’exotisme du multiculturalisme ou la diversité des cultures, mais sur l’inscription et l’articulation de l’hybridité de la culture… En explorant ce tiers-espace, nous pouvons éluder la politique de polarité, pour une autre politique, et enfin émerger comme les autres de nous-mêmes. » (2007 : 83).

Il est à noter que la France offre à ces protagonistes un espace d’exil dans lequel ils peuvent constituer leur identité « gay » librement. Cependant, malgré la distance qui les sépare de leur pays natal où la sexualité « marginale » existe dans l’invisibilité, ce sont ces pays natals qu’ils incarnent et qui résonnent dans leurs œuvres. Les œuvres romanesques surtout de Rachid O., de Taïa et de Djaziri, publiées entièrement en France, révèlent une connexion assez étonnante et forte à leurs pays d’origine au Maghreb. Éloignés du Maghreb, ils ne cessent de l’interroger afin de construire une subjectivité homosexuelle. Il y a par conséquent la naissance d’une vision et d’une parole subversives qui réagissent contre l’étouffante totalité des traditions ultraconservatrices par rapport à la sexualité « marginale ».

I. Gays et musulmans ‘envers et contre tous’

Rachid O. est le premier romancier marocain francophone à traiter de manière ouverte du thème de l’homosexualité dans son œuvre. Bien qu’il soit pionnier, il n’assume pas complètement le risque de dévoiler entièrement son identité car il choisit d’utiliser un pseudonyme. Le protagoniste-narrateur du roman Analphabètes explique la genèse du pseudonyme Rachid O. :

« un ami français avait eu l’idée de mon pseudonyme pour ne pas révéler entièrement mon nom, parce que le sujet est trop tabou, comme si l’écrivain marocain devait écrire uniquement sur ceci et cela et les questions posées par ceci et cela. Bien sûr que je veux écrire sur divers sujets mais ma conviction me dit que je n’en ai qu’un, donc sur moi sinon pas la peine, sur l’homosexualité sinon pas la peine, sur les sentiments sinon rien. » (pp. 117-118).

Note de bas de page 2 :

 L’enfant ébloui (1995), Plusieurs vies (1996), Chocolat chaud (1998), Ce qui reste (2003) et Analphabètes (2013).

Note de bas de page 3 :

 Il faudrait remarquer cependant la part importante d’hypocrisie et de silence des lois dans certaines de ces sociétés. Prenons à titre d’exemple le cas des jeunes filles ordinairement vierges mais ayant eu plusieurs fois de plein gré une pénétration annale.

Ménager considère que l’arrivée de Rachid O. apporte de la nouveauté au champ de la littérature à thématique gay d’expression française car il représente l’un des « premiers corps exotiques à prendre la parole (2000 :113). De plus, Ménager constate qu’en baptisant son héros avec son propre pseudonyme, il assume « le risque de publier des récits qui le désignent aux lecteurs potentiels comme l’objet du délit » (2000 :117). Rachid O. qui est né en 1970 à Rabat, a fait ses études à Marrakech et a obtenu une bourse pour étudier à la Villa Médicis à Rome en 2000. Jusqu’ici, il a publié cinq romans qui présentent des souvenirs fragmentés de la tentative du protagoniste-narrateur à assumer son homosexualité dans une société musulmane ultraconservatrice. Les cinq romans2 qu’il a publiés jusqu’ici peuvent être lus comme des mémoires fragmentés du protagoniste qui s’efforce de vivre son homosexualité dans une société arabo-musulmane fort enracinée dans la piété et les pratiques culturelles.3 Kaabal note à propos de l’œuvre de Rachid O. que :

« l’auteur aborde, frontalement et sans fioritures, sa « gaytitude » de Marocain, musulman énamouré, dès l'âge de seize ans, d'un coopérant français âgé de quarante ans et père de deux enfants. Le père de l'auteur sait tout, mais ne pose pas de questions. De rencontre en rencontre, Rachid O. découvre et l’écrit et le corps. Il faudra peut-être attendre quelques années pour soupçonner l'impact d'un tel aveu, qui a valeur ethnologique. » (1999 : 30).

Abdel-Jaouad (1996 : 457), quant à lui, atteste qu’il s’agit chez Rachid O. d’une présentation non-provocatrice de l’homosexualité. Denis Provencher (2007 :195) affirme aussi que Rachid O. en tant que pionnier de la littérature à thématique gay au Maghreb contemporain, met en scène une voix importante dans le contexte francophone qui s’adapte et réoriente l’histoire de l’homosexualité en France.

Son compatriote Abdellah Taïa, né en 1973, a étudié à Rabat avant de s'installer à Genève où il a étudié pendant un semestre au cours des années 1990. Par la suite, en 1999 il s’est inscrit à la Sorbonne pour y préparer une thèse de doctorat sur le peintre Jean-Honoré Fragonard. Une interview largement médiatisée dans la revue littéraire Tel Quel en 2007 a marqué son coming-out officiel. Cet entretien a créé une frénésie controversée dans son pays d'origine. Quatre de ses romans – Mon Maroc (2000), Le rouge du tarbouche (2004), L’armée du salut (2006) et Une mélancolie arabe (2008) – démontrent la difficulté d’assumer l’homosexualité dans une société marocaine qui la considère comme une déviance inacceptable. Taïa se différencie de Rachid O. car il n’y a pas chez lui de censure par rapport à la description de scènes homo-érotiques. Zekri note pertinemment que :

« c’est ainsi que, malgré certaines scènes osées, Rachid O. n’a pas surmonté sa censure psychique puisque ses textes narrativisent la relation homosexuelle de manière pudique. Même les scènes qu’il évoque sont très laconiques et se limitent, le plus souvent, à des attouchements ou à des expressions comme « nous avons fait l’amour. » (2008 : 176)

Bien qu’il adopte aussi la forme autofictionnelle, Taïa va au-delà de la présentation de la sexualité « déviante » que nous propose Rachid O. dans son œuvre littéraire. Redouane (2007 : 105) rappelle que chez Taïa, il s’agit d’une « sorte de militantisme pour rompre le silence à la recherche d’une part, d’une place légitime et d’une acceptation respectueuse dans une société marquée de morales religieuses répressives ». Pour lui, il est question de lutter non seulement pour sa propre libération mais pour ses autres concitoyens qui trouvent leur existence insoutenable sous les conditions répressives au Maroc. Il affirme dans un entretien radiophonique avec Jean-Marie Felix « qu’il faut dire et porter la parole de ceux qui ne peuvent pas parler et qui n’ont pas accès aux médias comme lui » (2012). En ce sens, l’écriture « taïaesque » s’encage dans une lutte plus large de libération de tous ses concitoyens marginalisés par ceux qui sont au pouvoir.

Le Franco-Tunisien Eyet-Chékib Djaziri est explicite dans sa représentation des scènes homo-érotiques. Djaziri est né à Tunis en 1957, d’un père turco-tunisien et d’une mère française. À l’âge de seize ans, il suit sa mère en France après le divorce de ses parents. À l’âge de vingt-deux ans, il écourte ses études afin d’entrer dans une compagnie aérienne. Pendant seize ans, il fait le tour du monde. Ses valises ayant été posées, il s’est adonné à l’écriture à la faveur d’un long congé sabbatique. Son diptyque qui se compose d’Un poisson sur la balançoire (1997) et d’Une promesse de douleur et de sang (1998) met en scène la prise de conscience du protagoniste de sa sexualité « déviante » dans une société « qui reprouve l’homosexualité mais qui en est obsédée à la fois » (Levéel, 2005 : 88). Le protagoniste-narrateur Sofiène décrit assurément et directement ses premières relations sexuelles. Levéel annonce que l’œuvre romanesque d’Eyet-Chékib Djaziri « représente Eyet puisqu’il s’agit d’une transcription pour ainsi dire fidèle de son journal intime retrouvé par hasard bien des années plus tard dans sa cave de la Porte de Pantin, à cent lieues du cabanon de la villa de son père au Bardo où il a connu ses premiers émois homosexuels avec ses camarades de lycée » (2005 : 88). À travers cette écriture intimiste et graphique, Djaziri ne cesse de « résister aux injonctions aliénantes de l’ordre dominant » (Lagabrielle, 2006 : 63).

Il est à constater que nos romanciers, bien qu’ils habitent et qu’ils soient publiés en France, ne cessent de se déplacer entre les deux rives de la Méditerranée. Cet aller-retour, réel ou imaginaire, entre ces deux rives est certainement un élément important dans la construction et la représentation littéraire de la sexualité « marginale » dans les récits de nos romanciers. René de Ceccatty remarque dans sa préface au roman Mon Maroc d’Abdellah Taïa que c’est à travers l’écriture que de tels romanciers – Rachid O., Djaziri et Taïa – « retrouvent une terre qu’ils n’ont jamais abandonnée » (2001 : 11).

II. La sexualité « minoritaire » sur les deux rives de la Méditerranée 

Note de bas de page 4 :

 Bien que le mariage homosexuel n’a été validé qu’en 2013 en France, ce pays séduit les trois auteurs parce qu’ils pouvaient y vivre et assumer ouvertement leur sexualité dite déviante. Chez eux, au Maghreb, l’homosexualité n’est pas seulement cachée mais elle est criminalisée.

Bien qu’elle soit répandue dans les milieux arabo-musulmans, la sexualité « minoritaire » est considérée comme un tabou qui doit persister dans le domaine de l’indicible. Toutefois, lorsque les protagonistes de nos trois écrivains se mettent en contact avec l’espace plus libéral4 de la France, ils sont obligés de renégocier et de reconstruire leur identité sexuelle. Abdellah, le protagoniste-narrateur du roman Une mélancolie arabe exprime clairement l’impact de la liberté qui se trouve en France : « j’allais décoller, voler, écrire autre chose, aimer au grand jour, dire mon amour, être ce qui ne se dit pas, n’existe pas » (31-32). Dans un article centré sur cette déclaration, Smith affirme que la France offre un espace plus libre à Abdellah afin d’assumer sa différence par comparaison au Maroc où « il y a très peu d’espace discursif où le protagoniste du roman peut exprimer une identité gay telle qu’on le comprend dans l’Occident » (2012 : 35). Dans une telle renégociation transméditerranéenne de sa sexualité « marginale », Abdellah, comme Sofiène et Rachid, occupe un tiers espace, un « territoire de la confusion des sentiments » (Une mélancolie arabe : 41). « Je vis dans l’entre-deux : chacune des deux cultures me tire de son côté (il y a donc une bataille en moi, dans mon corps) » (Mon Maroc : 140), explique encore Abdellah. Cet espace d’entre-deux, comme nous l’explique Homi Bhabha, « offre un terrain à l’élaboration de ces stratégies du soi – singulier ou commun – qui initient de nouveaux signes d’identités, et des sites innovants de collaboration et de contestation dans l’acte même de définir l’idée de la société » (2007 : 30).

Ce terrain d’élaboration de stratégies du soi implique une analyse de diverses stratégies discursives et rhétoriques qui se déploient dans la constitution d’un « moi » homosexuel au sein de cet espace interstitiel. Bhabha développe que « le tiers-espace, quoi qu’irreprésentable en soi, constitue les conditions discursives d’énonciation qui attestent que le sens et les symboles culturels n’ont pas d’unité ou de fixité primordiales, et que les mêmes signes peuvent être appropriés, traduits, réhistoricisés et réinterprétés » (2007 : 82). Il existe donc dans ce tiers-espace un écroulement de la conception binaire de la réalité car il y a l’effacement de toutes les frontières afin d’ouvrir un nouvel espace dans lequel il est possible de concevoir d’innovants récits de la construction liminaire de l’identité et de la sexualité « minoritaire ».

Avant d’aller plus avant, signalons que la Méditerranée est une métaphore importante du tiers-espace et de la fluidité de l’énonciation discursive de l’identité sexuelle. Dans l’univers littéraire de nos trois écrivains, cette mer est mystique pour son incarnation à la fois de la transition, de la liminalité et de la frontière. La traversée de celle-ci, qu’elle soit littérale ou figurée, est une représentation par excellence des concepts du tiers-espace et de la liminalité car au cours de la traversée nos protagonistes ne sont ni chez eux ni à leur destination. Ils sont figés dans l’entre-deux, dans un limpide processus de devenir. Qui plus est, la nature liquide et fluide de la mer est un méta-symbole de la fluctuation qui caractérisera leur quête identitaire.

Sofiène dans les romans d’Eyet-Chékib Djaziri incarne le mieux la notion de la liminalité. Son père est turco-tunisien et sa mère française. Il est plongé dans un tiers-espace culturel dès sa naissance et il fait référence à plusieurs reprises à ce « miracle biculturel » qui lui permet d’égorger « le mouton le jour d’Aïd el-Kébir puis manger du gigot d’agneau le jour de Pâques » (Un poisson sur la balançoire : 124). Son existence est donc fondée sur le flottement entre deux mondes culturels car il s’agit aussi d’une navette physique entre la Tunisie et la France. Il vient s’ajouter à cela toute une gamme d’autres oppositions chez lui : entre la féminité et la masculinité, entre la passivité et l’activité, entre l’appartenance et l’étrangeté et finalement entre le « moi » et l’Autre. En se localisant dans un espace liminal entre ces oppositions, il se met en mesure de déstabiliser la logique binaire sur laquelle sont souvent construites les identités de différence (Bhabha, 1994 : 33). L’espace liminaire dans lequel se situe Sofiène est hypothétiquement transformatif des hégémonies culturelles sur les deux rives de la Méditerranée. Il explique qu’à partir de cette liminalité, il « avai[t] le sentiment de dominer [s]es semblables. [Il se] sentai[t] grandi, invincible. Rien ne [lui] paraissait impossible » (Un poisson sur la balançoire : 27). Analysant l’identité sexuelle de Sofiène, Spurlin (2013 : 76) explique qu’une telle position interstitielle montre qu’il existe des formes multiples et hybrides de désirs homo-érotiques et homosexuels et qu’elles peuvent coexister au sein d’une même culture, au sens performatif et discursif. Spurlin en conclut que l’identité sexuelle de Sofiène se construit d’une façon relationnelle dans la rencontre dialogique entre le Maghreb et l’Europe. Dans ce raisonnement, il ne s’agit pas du remplacement d’un modèle culturel de sexualité par un autre mais plutôt d’une négociation afin de faire disparaître toutes sortes de catégories et de frontières binaires.

Note de bas de page 5 :

 Stephen O. Murray (1995 : 627) propose une analyse intéressante de la terminologie qui est utilisée pour décrire l’homosexualité et les homosexuels dans les pays arabo-musulmans de l’Asie du Sud-Ouest et de l’Afrique du Nord. Il explique, par exemple, que le terme « luti » qui s’utilise pour faire référence aux homosexuels porte des connotations de déviance. Les termes «liwat » et « ubna » qui signifient littéralement « celui qui insère » et « celui est inséré » respectivement ; semblent réduire l’homosexualité à rien que l’acte sexuel. Ces termes ne considèrent pas le fait que l’homosexualité peut être une identité. Il en conclut que, même s’il n’y a pas de termes pour décrire de manière positive la sexualité non-normative comme une identité et un style de vie, l’absence de termes ne prouve pas l’absence d’un phénomène.

Les protagonistes-narrateurs de Rachid O. et d’Abdellah Taïa font face à une négociation différente de leur homosexualité. Ce sont de jeunes hommes marocains qui sont obligés de s’exiler en France pour assumer entièrement leur identité sexuelle. Bien qu’ils se soient installés en France, leur pays natal persiste à les hanter et à résonner avec vigueur au tréfonds d’eux-mêmes. Dans un premier temps, ils se trouvent écartelés entre deux langues : le français et l’arabe dialectal. Étant donné que l’homosexualité n’existe pas dans le champ lexical de l’arabe dialectal5, l’espace liminal créé par le contact avec la langue française leur permet de donner un nom et de qualifier à l’oral et à l’écrit leur différence. Deuxièmement, au-delà de ce tiers-espace linguistique, il s’agit chez Rachid et Abdellah d’un déplacement physique à l’autre rive de la Méditerranée. Ils arrivent enfin à vivre pleinement leur homosexualité « sans honte. Sans gêne » (L’armée du salut : 107), d’abord en Suisse et après en France où ils y retrouvent « une sexualité débordante, violente et sans pudeur » (Ibid. : 19). Malgré la liberté offerte par l’espace européen, Rachid et Abdellah doivent affronter, de temps à autre, une grande tristesse et un déchirement intérieur à cause de leur éducation maghrébine qui ne cesse de leur chuchoter, métaphoriquement parlant, que la sexualité « minoritaire » est une transgression des bienséances arabo-musulmanes. Le fait d’être exilé n’implique pas qu’il y ait une rupture totale avec le pays natal. Malgré cette mélancolie, le dépaysement de nos deux protagonistes et la distance qu’il produit rendent plus critiques et plus vifs les liens entre le Maroc et eux. Il s’agit dans le cas de Rachid et d’Abdellah dans leur exil en Europe d’un phénomène de méditation et de médiation de leur « sexualité » par un perpétuel « retour au pays natal », pour reprendre l’expression d’Aimé Césaire, par le biais de l’introspection et de l’interrogation de leur « moi » homosexuel qui se construit dans la traversée d’une multiplicité de cultures et de mondes.

Bien que le tiers-espace offre pour les protagonistes-narrateurs des trois romanciers beaucoup plus de liberté quant à l’expression sexuelle, la formation d’une identité homosexuelle demeure un processus douloureux et déprimant. Abdellah trouve que l’angoisse qui l’enveloppait au Maroc ne s’est pas dissipée à son arrivée en France et il s’exclame qu’il « croyai[t] que venir en Europe serait la fin de l’attente et des batailles intérieures. [Il se] trompai[t] » (L’armée du salut : 153). Il explique ailleurs que :

« quand je suis arrivé pour la première fois en Europe, tout me paraissait neuf. J’avais pourtant passé plusieurs années à étudier la civilisation de ce monde occidental. J’en avais la culture, je croyais le connaître parfaitement. Or, il y a une différence, bien grande, entre étudier une chose et la vivre. De loin, l’Europe me paraissait un paradis. Elle n’est pas que cela. Y vivre, c’est autre chose. » (Mon Maroc : 139).

Le rapport au pays natal est à la source d’une détresse chez nos protagonistes et l’assertion d’une identité gay en France, comme au Maghreb, engendre un nombre de problèmes qui sont suggérés par le titre du roman de Taïa, Une mélancolie arabe. Rachid exprime des sentiments similaires par rapport à cette « mélancolie arabe » : « j’étais aussi submergé de troubles sentiments des plus nets aux plus flous, tantôt heureux tantôt malheureux, avec des intuitions et des pressentiments » (Chocolat chaud, p. 82). Les protagonistes n’affrontent pas seulement la froideur du temps mais aussi des êtres-humains socialement et moralement éloignés. Même Sofiène qui a une mère française se trouve déboussolé en France : « je me sens tout à coup en terre étrangère même si je ne cesse de me répéter que je me trouve au pays de ma mère » (Une promesse de douleur et de sang : 5).

Nous pouvons constater que dans ce tiers-espace tumultueux, l’écriture se pose comme un élément indispensable qui permet de mettre à nu une sexualité qui est interdite au Maghreb. Rachid explique que par le biais de l’écriture : « j’apprenais à connaître ma propre personne et à être davantage moi-même » (Chocolat chaud : 71). Apprendre à se connaître et à être soi-même n’est pas un acte accompli pour Rachid et car il s’agit d’un processus fluide et continu de devenir. Cette thématique de la fluidité identitaire est étroitement liée à la forme autofictionnelle adoptée par Rachid O., Abdellah Taïa, Eyet-Chékib Djaziri qui est aussi caractérisée par l’instabilité. L’autofiction est une forme d’expression littéraire où toutes les frontières se brouillent et s’entremêlent subtilement : fiction/réalité, protagoniste/narrateur/ auteur. Jacques Lecarme avance l’idée que l’ambiguïté de l’autofiction ressemble la formation d’une identité sexuelle qui est, elle aussi, un phénomène instable. Il explique que « ces tentations définiraient l’horizon de l’identité post-moderne, jouant sur des choix à la carte et sur l’éclatement, la dissémination, l’éparpillement, la déconstruction du moi, dans un jeu de miroirs où il n’y a plus de certitude, d’ancrage stable » (1997 : 6). L’autofiction tout comme l’identité sexuelle puise sa vitalité dans la dialectique de l’incertitude et de l’instabilité.

Note de bas de page 6 :

 Le chronotope, ou l’espace-temps, est un concept proposé par le théoricien littéraire Mikhail Bakhtine dans son œuvre Esthétique et théorie du roman. Selon lui, il s’agit de l’ensemble d’éléments touchant à la description de l’espace et du temps au sein d’un récit littéraire. En résumé, la spécificité de cette notion est que l’espace et le temps sont deux notions inséparables et dont l’une ne peut se montrer plus importante que l’autre. Dans les mots de Bakhtine, « nous appellerons chronotope, ce qui se traduit, littéralement, par ‘temps-espace’: la corrélation essentielle des rapports spatio-temporels, telle qu’elle a été assimilée par la littérature. […] Ici, le temps se condense, devient compact, visible pour l’art, tandis que l’espace s’intensifie, s’engouffre dans le mouvement du temps, du sujet, de l’Histoire. Les indices du temps se découvrent dans l’espace, celui-ci est perçu et mesuré d’après le temps » (1978 : 238).

En outre, comme le voyage qui fixe le voyageur dans un continuum entre le pays natal et l’étranger, entre le connu et l’inconnu ; la prise de parole par l’écriture tant pour les protagonistes que pour les écrivains eux-mêmes traduit aussi l’espace entre ce que les protagonistes connaissent d’eux-mêmes et ce qu’ils envisagent. L’espace liminaire créé entre le temps du vivant et le moment de l’écrivant et l’oscillation entre ces deux « chronotopes »6 est importante dans la construction de la subjectivité homosexuelle des protagonistes. Abdellah fait allusion à la centralité de l’écriture et du jeu chronotopique dans la formation de son identité homosexuelle en affirmant que :

« dès le départ, nous avons écrit l’un à côté de l’autre, l’un pour l’autre, l’un l’histoire de l’autre, son passé, ses personnages, ses images, ses obsessions. Nous l’avons fait ça, cette chose incroyable, impossible avec d’autres : tenir un stylo à deux, avancer dans l’écriture à deux, être dans l’amour et son écriture en même temps. » (Une mélancolie arabe : 115).

L’écriture peut se définir à partir d’un commencement réticent suivi d’un processus atténué médité vers la coalescence d’un « moi » et d’une subjectivité homosexuels. Rachid explique que ce processus s’accomplit avec la complicité du lecteur :

« je traînerai vos esprit par la main, avec la mine sérieuse d’une enfant qui prend possession de quelqu’un qu’il aime. […] Juste avant de continuer, je voudrais remettre quelque chose en place : je construis malgré moi mon image à vos yeux, ne soyez pas dupes d’aucun de mes livres. Je me suis résigné depuis longtemps à laisser mes sentiments précéder mon esprit. Je me vois, spectateur complice, guider mes désespoirs et mes euphories comme un peintre compose un portrait. » (Ce qui reste : 25-26).

D’après Rachid, la manipulation du mode scriptural impose la connivence du lecteur. Ce rapport dialogique entre protagoniste-narrateur et lecteur « constitue sans doute l’idéologème unifiant, et détermine l’émergence du narrateur au ‘statut’ d’écrivain » (Heyndels, 2009 : 15). Cette apparition de la figure de l’écrivain marque certes l’émergence d’une subjectivité beaucoup plus assurée quant à son identité sexuelle.

Il faudrait faire appel également à l’idée de « la poétique de la relation » proposée par Édouard Glissant. Cette notion semble assez pertinente aux œuvres de nos écrivains car dans ces romans, l’identité homosexuelle semble se construire dans une relation à autrui. Glissant explique que le couple identité/altérité est indispensablement important car la rencontre et l’osmose de ces deux pôles crée « une dimension inédite qui permet à chacun d’être là et ailleurs, enraciné et ouvert […] en accord et en errance » (1990 : 46). Ce que veut dire Glissant ici c’est qu’il est difficile voire impossible qu’une subjectivité et une identité puissent se construire de façon indépendante et autonome sans recours à une altérité quelconque : « l’Autre est en moi, parce que je suis moi. De même, le Je périt, dont l’Autre est absent » (Glissant, 1969 : 95). Cette idée de la poétique de la relation nous fait penser aux paroles d’Abdellah Taïa lors d’un entretien avec Jean Zaganiaris dans lequel il affirme que :

« écrire, c’est tout mélanger. Se mélanger. S’évaporer dans l’autre, les autres. Dans la même lumière, celle qui nous a fait naître. Je suis homosexuel assumé, mais je ne peux absolument pas vivre mon homosexualité uniquement avec des homosexuels. Le rapport à l’autre (ma mère, mes amies, mon grand frère, mes ennemis), même quand il persiste à me renier, est important à mes yeux. Très important » (2012).

D’après Taïa, la construction d’une identité homosexuelle ne peut s’effectuer dans la solitude car il faut un rapport à autrui. Rachid et Abdellah attestent de l’importance de l’altérité. Par exemple, Rachid exprime l’importance de l’altérité pour lui : « et encore, j’étais exclu des jeux comme le foot car j’étais nul. […] C’était une position assez bizarre car je me sentais vraiment mal, j’avais l’impression d’être exclu du monde du même âge que moi » (L’enfant ébloui : 24-25). Exclu à cause du fait qu’il soit efféminé et peu doué pour le foot, Rachid désire ardemment faire partie d’un groupement malgré sa différence. Comme jeune adulte, pour rejoindre toujours l’autre, il commence à parler ouvertement de sa sexualité « marginale » : « j’ai commencé à parler de cette histoire [de son rapport homosexuel avec son professeur] dont je suis toujours fier quand je suis en train de la raconter, c’est un moment de bonheur pour moi » (Ibid. : 111). Chez lui c’est surtout sa relation aux deux figures dont la sexualité est ambivalente, son père et son « oncle » : « je raconte différemment, et ça n’est pas évident de décrire, ce que j’essaie de dire est qu’ils ont bien sûr une place unique que j’en suis toujours à chercher dans mes souvenirs » (Ibid. : 13). C’est à travers la relation à eux qu’il encadre sa sexualité « minoritaire » et leur complicité ne fait que renforcer sa détermination de vivre pleinement sa différence.

Abdellah réclame aussi le besoin d’autrui dans sa quête identitaire. Il exprime un profond désir d’être en contact avec autrui dans son acheminement vers l’acceptation de sa sexualité « marginale » : « moi, j’ai besoin du contact avec l’autre, même de loin, le regarder longtemps, le toucher de très près, partager le cœur et ses secrets, l’intimité et ses troubles, le passé qui n’est jamais aussi vrai, aussi clair et beau que dans le présent » (Le rouge du tarbouche : 66). La présence de l’autre est plus que nécessaire pour Abdellah et il est particulièrement frappé par l’indifférence des Européens, d’abord en Suisse et après en France : « il n’y a pas plus affreux que l’indifférence, le sentiment de non-existence, de mort. Je me suis rendu compte que, comme tous mes compatriotes, j’étais curieux des gens. J’avais faim des gens, j’étais en manque d’histoires. Des histoires à la marocaine » (Mon Maroc : 132). Fasciné par la manière dont les Parisiens s’intéressent plus aux livres plutôt qu’à passer du temps à parler aux autres, Abdellah souhaite se transformer en un livre pour qu’il soit en relation physique avec eux : « j’ai souhaité être un livre que je ferais imprimer à plusieurs milliers d’exemplaires et que je donnerais à tous les Parisiens. Ils seraient alors obligés de me lire, de me regarder. Ce livre serait sans titre » (Ibid. : 132). Il atteste à un autre moment qu’il veut : « Écrire. S’écrire. S’ouvrir à soi-même et aux mots. Se donner à lire » (Le rouge du tarbouche : 59). Il y a chez Abdellah un fort désir de relation à autrui même si cela se réalise par la voie scripturale. Toutefois, au-delà de cette « faim des gens », il est aussi question chez lui d’une relation à la divinité, sa quête identitaire. Il avoue que dans une solitude absolue loin de la divinité, son existence et sa perception de sa sexualité « minoritaire » sont non seulement douloureuses mais également insoutenables : « j’étais mal. Tout mon corps avait suivi ce mal, un mal indéfinissable ; on aurait dit que mes anges n’étaient plus à mes côtés pour veiller sur moi, que je n’avais plus la baraka de mes ancêtres, que j’étais dans mon hale » (Mon Maroc : 100). Bien que ses croyances religieuses soient opposées à sa sexualité « déviante », il reste toujours une ardente envie chez lui de retrouver « une communauté de gens malheureux qui n’avaient où aller, qui n’avaient personne à qui dire leurs maux, sauf ce saint hospitalier, ce saint qui apaise, qui donne la baraka » (Mon Maroc : 101).

Il s’agit ici d’un processus complexe où les protagonistes-narrateurs construisent leur identité homosexuelle au sein d’un espace liminaire : réel et imaginé. L’espace interstitiel leur permet d’assister à un mouvement incessant vers la création d’un « moi » homosexuel solide et d’une subjectivité résolue. La construction de cette subjectivité, comme nous l’avons montré, n’est pas une quête individuelle mais une entreprise relationnelle et dialogique.

Conclusion

Il est à signaler, en guise de conclusion, que le tiers-espace qui se présente dans les romans de Rachid O, d’Abdellah Taïa et d’Eyet-Chékib Djaziri conteste la notion qu’il existe une fixité quant à la construction de l’identité sexuelle. Les œuvres romanesques de ces écrivains proposent une pensée fluctuante et rhizomatique de la construction identitaire à travers une tension mélancoliquement douloureuse. Le personnage gay, dont nous avons tracé le développement, les déplacements et les inquiétudes, se définit par une vulnérabilité psycho-émotionnelle qui lui défend d’affirmer nettement une identité sexuelle. Dans la dissolution et la sublimation de l’identité, il se dévisage dans le miroir de la multiplicité. L’instabilité et la fluidité identitaires deviennent un espace important afin de scruter toutes les dimensions de la construction identitaire et toutes les dimensions de l’existence et du monde. Le déplacement à travers les deux rives de la Méditerranée, pour les protagonistes des trois romanciers leur permet d’être en perpétuelle recherche, non seulement d’eux-mêmes, mais aussi d’un espace où se libérer tout en appréciant l’ici et l’ailleurs, le conne et l’inconnu.