Le Corbusier, l’énigme métaphysique de Ronchamp Le Corbusier, Ronchamp's métaphysical enigma

Pierre Boudon

LEAP (Université de Montréal)

https://doi.org/10.25965/as.8139

Dans l’Histoire de la Modernité architecturale, la chapelle de Ronchamp de Le Corbusier (1954) représente une date exceptionnelle, un moment clivant entre ses adeptes, les uns refusant ce qui était une remise en question de ses principes « novateurs » (épuration des volumes, rigueur architectonique, rationalité constructive), les autres acceptant cette « ouverture » vers une autre architecture moins dogmatique, retrouvant une tradition en tant qu’expressions vernaculaires associées à des sites différenciés. L’expression architecturale, même hors de toute ornementation, fut certainement l’un de ces enjeux : faire réapparaître la nature des matériaux sous des formes non-convenues. En ce sens, Ronchamp exprime une composition des surfaces tout à fait inédite entre la rudesse certaines formes et l’aplat d’autres à titre de paroi lisse.

In the history of Modern architecture, Le Corbusier’s Ronchamp chapel (1954) represents an exceptional date, a moment of division between his followers, some of whom rejected what was a challenge to his “innovative” principles (purification of volumes, architectural rigor, constructive rationality), others who accepted this “opening” towards another, less dogmatic, architecture, rediscovering a tradition as vernacular expressions associated with differentiated sites. Architectural expression, even without ornamentation, was certainly one of these challenges: to make the nature of materials reappear in unconventional forms. In this sense, Ronchamp expresses a completely new composition of surfaces, between the roughness of certain forms and the flatness of others as smooth walls.

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Mots-clés : architecture mégalithique, béton projeté, dièdre d’intersection, Esprit Moderne, Modernité, templum

Keywords : intersection dihedron, megalithic architecture, Modern Spirit, Modernity, sprayed concrete, templum

Auteurs cités : Giorgio AGAMBEN, Jean-François BORDRON, Claude Nicolas LEDOUX, Adolf LOOS, Danièle POLY

Plan
Texte intégral
Note de bas de page 1 :

La création de cette chapelle (1955) est une véritable date historique dans l’histoire de la Modernité architecturale. Pour la communauté des architectes, ce fut un choc. Pensons par exemple à la polémique entre Giulio Carlo Argan (Projet et destin. Art, architecture, urbanisme, Les Éditions de la Passion, 1983, p. 183-188) et Ernesto Nathan Rogers (« Il metodo di Le Corbusier et la forme della “Chapelle de Ronchamp” », in Casabella n° 207, sept.-oct. 1955, p. 2-6) portant sur la finalité esthétique de la chapelle, le premier dénonçant une rupture paradigmatique du Mouvement Moderne dans (...)

Le problème de l’expression. C’est ce sujet que nous devons interroger, notamment en nous servant d’un exemple en tant que forme esthétique d’un renouveau architectural : la Chapelle de Ronchamp créée par Le Corbusier dans les années cinquante et dont nous allons suivre l’élaboration1.

Le « plan d’expression » est une dénomination d’ensemble relevant de la théorie hjelmslevienne, laquelle se caractérise par la conjugaison d’un plan d’expression et d’un plan du contenu. C’est à travers cette mise en correspondance (asymétrique) bi-plane, manifestation et compréhension, que le sens apparaît en tant que processus de sémiose. Ce plan d’expression suppose globalement une unicité faite d’une multiplicité de traits de déclinaison que l’analyse devra recenser et organiser. Mais cette désignation unitaire a-t-elle un sens ? N’est-elle pas plutôt une « épaisseur » en tant que stratification de couches (sédiments historiques), comme l’entendait Husserl dans sa notion de « sol » (Boden), à partir de laquelle se constitue une architectonique de relations sémiotiques entrelacées ? Cette problématique a été clairement définie par Ch. S. Peirce lorsqu’il précise que sa première trichotomie des signes peut être appréhendée selon des rapports associant une priméité (perception), une secondéité (action) et une tiercéité (symbolisation en tant que loi).

Dans son ouvrage Image et vérité. Essais sur les dimensions iconiques de la connaissance, Jean-François Bordron envisage cette problématique dans les termes suivants :

Note de bas de page 2 :

Jean-François Bordron, Image et vérité. Essai sur les dimensions iconiques de la connaissance, Presses Universitaires de Liège, « Sigilla », Liège, 2013, p. 135-136.

Rappelons que le plan d’expression d’une image comporte trois principes de structuration qu’il est commode de dénommer selon la première trichotomie des signes théorisée par Peirce. Nous distinguons ainsi les niveaux indiciel, iconique et symbolique.
Le propre du niveau indiciel est de manifester un élément d’existence qui fait question. Il s’agit donc dans l’image, et plus généralement dans la perception, de ce qui attire l’attention, de ce qui se manifeste. De l’indice dépend ce que l’on peut appeler la structure de l’appréhension.
Le niveau iconique pour sa part concerne la constitution de formes sans que cela implique nécessairement une intention mimétique. L’iconicité est essentiellement affaire de stabilisation du champ perceptif.
Le niveau symbolique pour sa part concerne l’identification et donc l’identité. Il s’agit de reconnaître un élément de l’image, que celui-ci soit iconique ou non.
Ces trois niveaux sont, comme toujours, entrelacés mais forment cependant des paliers phénoménologiquement bien distincts. Ce bref rappel n’est là que pour nous permettre de situer ce que nous appellerons le niveau sémiologique.2

Note de bas de page 3 :

Actes du congrès de l’Association Française de Sémiotique, centenaire de la naissance d’Algirdas Julien Greimas (1917-1992), Unesco, Paris, 30 mai-2 juin 2017. Notre contribution : « Réévaluation de la notion de “signe” dans la théorie sémiotique post-greimassienne », p. 55-73.

Note de bas de page 4 :

Dans son ouvrage (op. cit., p. 132-134), Jean-François Bordron mentionne les deux expressions prédicatives : « montrer que l’on montre » et « montrer comment l’on montre », la première, métanominative et la seconde comme commentaire épilinguistique (en tant que justification).

Note de bas de page 5 :

Pierre Boudon, « Réévaluation de la notion de “signe” dans la théorie sémiotique post-greimassienne », op. cit., p. 62.

À ces premières considérations empruntées à Jean-François Bordron nous associerons celles que nous avons développées dans notre contribution au Congrès Greimas aujourd’hui : l’avenir de la structure3, portant justement sur ce niveau sémiologique qui est une reprise, en partie, de la trichotomie peircienne : partant du rapport entre les notions de symbole, acte (au sens d’un geste de monstration indexical qui est autant un geste de nomination que de métanomination4) et d’iconicité (au sens des « esquisses » husserliennes, lesquelles peuvent être visuelles, sonores, olfactives), nous avons développé un dispositif de catégorisation5, nommé templum, qui met en relation ces trois niveaux d’instanciation distincts, associés continûment, dans un même schéma d’inscription. C’est entre ces niveaux d’instanciation, à la fois contraires et liés, que nous pouvons situer des termes mixtes qui les relient médiativement : la notion d’indices relevant d’une structure d’aperception située entre geste de monstration et symbole (identification au sens frégéen), la notion d’expressions symptômales (associée à une corporéité et située entre ce même geste et l’iconicité), et la notion de diagramme (au sens de Peirce) en tant qu’inscription schématisante située entre iconicité et symbole (partage entre référence et fiction).

C’est l’intégration dans une totalisation diagrammatique qui permet de parler d’organisation transmodale entre ces trois instances, intégration exprimant une économie entre ces trois niveaux différenciés.

Note de bas de page 6 :

Nous emprunterons de larges extraits à l’ouvrage de référence de Danièle Pauly, ronchamp lecture d’une architecture, Editions Ophrys, Paris, 1980.

Pour fixer les idées, dans l’exemple que nous allons analyser longuement6, nous aurons au niveau des indices le traitement des textures de la paroi (tant interne qu’externe) et de la voûte (béton projeté dans le premier cas et béton brut de décoffrage dans le second) ; au niveau de l’iconicité, le renvoi aux différentes figures morphologiques de l’habiter exposées dans le schéma d’ensemble (A, cf. infra) formant ainsi les prémisses de l’édification en tant que structures d’enveloppement ; enfin, au niveau symbolique du lieu, et du point de vue de la tradition (que Le Corbusier a transgressée), la typologie des plans d’église partagée au cours de l’histoire chrétienne entre « plan basilical » (cathédrales gothiques, par exemple) et « plan rotondinal » (le tempieto de Bramante à la Renaissance ou, plus près de nous, la cathédrale de la Résurrection à Evry de Botta).

La démarche que nous allons suivre n’est pas taxinomique (procédant par traits distinctifs) mais générative, sur la base d’un ensemble de dispositifs répartis selon un principe d’affinités des propriétés.

1. Le site géographico-historique de la chapelle

Nous laissons pour ce paragraphe la parole à Danièle Poly :

Note de bas de page 7 :

A la manière d’une Acropole antique.

Note de bas de page 8 :

Expression récurrente chez Le Corbusier.

Note de bas de page 9 :

Danièle Pauly, op. cit., p. 21-23.

La colline de Bourlémont, qui est bordée à l’ouest par le plateau de Langres, s’adosse, au nord, aux derniers contreforts des Vosges, étagés en mamelons boisés. A l’est, s’étend la Trouée de Belfort, au sud et au sud-ouest, les premiers plateaux du Jura, peu élevés, et la plaine de la Saône. La colline domine de vastes paysages aux lignes peu accentuées et aux formes douces. S’élevant à une altitude de 497 m, elle présente des flancs assez escarpés, recouverts de broussailles, et s’arrondit au sommet en un plateau dénudé. Deux chemins y conduisent, comme taillés dans la roche gréseuse. Ce mont surplombe l’extrémité de la Trouée de Belfort par où passait la voie romaine reliant la ville de Langres au Rhin.
Ses parois abruptes font de la colline une sorte de forteresse naturelle et, dès le début de son histoire, elle apparaît à la fois comme un endroit stratégique et un lieu protégé7.
Les caractéristiques géographiques du site semblent accréditer la thèse selon laquelle les Romains, lors de la conquête en Gaule, y auraient installé une de leurs positions. Les données archéologiques tendent à confirmer ce fait : en effet, près d’un hameau tout proche, au nord-ouest du site étudié, les vestiges d’un camp romain ont été retrouvés, et selon certaines sources, l’étymologie la plus vraisemblable de Ronchamp serait latine, à savoir Romanorum campus, camp ou champ des Romains.
La tradition veut qu’un temple se soit élevé dès cette époque, sur la colline de Bourlémont. Et, au IVe siècle, sur l’emplacement de l’édifice païen, un sanctuaire aurait été érigé en hommage à la Vierge. Ainsi, ce lieu fortifié devient-il l’abri d’un culte et à la protection naturelle s’ajoute en quelque sorte une protection surnaturelle.
L’existence d’une chapelle sur la colline de Bourlémont est mentionnée très précisément pour la première fois, dès le XIIIe siècle, dans une lettre datée de 1269 que Thomas, seigneur de Ronchamp, adresse à l’archevêque de Besançon, Eudes de Rougemont. D’autre part, une charte datée du vendredi après la Nativité de septembre de l’an 1271, apporterait la preuve, si l’on en croit le Chanoine Belot, de l’ancienneté du site en tant que lieu de pèlerinage. Cette tradition de pèlerinage s’affirme à travers les siècles. La réputation du site se trouve renforcée par les légendes de miracles qui s’y rattachent […].
[…]
« Près d’un demi-siècle auparavant, la chapelle avait perdu sa fonction d’église paroissiale pour devenir exclusivement un lieu de pèlerinage ; en effet, attendu l’état ruineux de l’ancienne église qui ne peut être réparée utilement et sa situation sur une montagne incommode, on avait décidé en 1737, de construire une autre église dans la vallée du Rhin, à l’emplacement de l’actuelle commune de Ronchamp. Pour distinguer la chapelle de cette nouvelle église, également dédiée à la Nativité du huit septembre ou Nativité de la Vierge-Marie, on lui attribue le nom de Notre-Dame-du-Haut. Cette dénomination confère à l’édifice un pouvoir évocateur certain : on y trouve l’idée d’une élévation illustrant peut-être la longue ascension du pèlerin vers le lieu de culte. Ce nom n’est pas sans suggérer aussi que la chapelle est visible de loin et qu’elle peut faire figure de but à atteindre.
[…]
Le site de Ronchamp est donc empreint d’une longue histoire et la tradition de ce pèlerinage est profondément inscrite dans la culture locale : cela explique le pouvoir émotionnel du lieu et sa dimension symbolique.
Ce site, de par son emplacement privilégié, de par son passé, symboliserait en quelque sorte pour l’homme, dès les temps les plus reculés, une forme de protection et plus encore, une protection surnaturelle. C’est là qu’il choisit de placer la pierre, pierre de sacrifice, temple ou sanctuaire qui est le signe de sa rencontre avec la divinité. Cette marque d’une rencontre entre l’homme et le sacré est donc inscrite dans l’architecture, peut-être même est-elle à l’origine de l’architecture.
[…]
En analysant le projet de Le Corbusier, nous verrons comment, loin de les renier, l’architecte a au contraire tenu compte de ces valeurs mythiques et mystiques dans la conception de l’édifice.
Il est révélateur que nous ayons retrouvé, dans la bibliothèque personnelle de Le Corbusier, une monographie de la chapelle de Notre-Dame-du-Haut lue et annotée avec soin.
Ainsi, en même temps qu’il prenait contact géographiquement avec la colline de Bourlémont et s’imprégnait des quatre horizons8, l’architecte s’attachait à prendre connaissance du contenu historique et symbolique du site où allait s’ériger son ouvrage.9

2. Le travail d’élaboration de Le Corbusier

Note de bas de page 10 :

Cf. Danièle Pauly, ibid. p. 27 : « Le Père Couturier, évoquant devant le Chanoine Ledeur l’aventure de la Sainte-Baume, durant laquelle Le Corbusier s’était heurté aux oppositions des milieux ecclésiastiques, rapporte ces mots de l’architecte : Mais que l’on me donne une grange et je vous ferai une église ! ; paroles qui manifestaient bien, outre pour la prouesse à accomplir, son impatience et son désir de construire, et qui donnaient à espérer qu’un projet comme Ronchamp pût le tenter. »

Note de bas de page 11 :

Cf. Danièle Pauly, op. cit. p. 30 : » En fait, il est permis de penser que la cause implicite qui emporte de manière définitive l’accord de Le Corbusier est son face-à-face avec les vastes espaces environnant le site de la colline de Bourlémont ; c’est alors seulement qu’il décide de construire ce qui sera une réponse aux horizons. »

Cette problématique de la chapelle de pèlerinage n’est pas inédite pour Le Corbusier puisqu’il l’a rencontrée peu de temps auparavant (1948) dans le cas du projet de la Sainte-Baume voulu par Edouard Trouin et finalement refusé par l’institution religieuse10. La même situation se présente donc dans le cas de Ronchamp, où le rôle initiateur de Trouin est remplacé par celui du Père M. A. Couturier, rédacteur de la revue l’Art sacré (1936-1954), lequel propose à Le Corbusier un tel projet de reconstruction du sanctuaire ruiné par la guerre. Au départ, l’architecte est réticent après l’expérience malheureuse de la Sainte-Baume et le refus manifesté par les autorités religieuses hostiles à toute forme de Modernité ; il finit cependant par céder à cette sollicitation en sachant qu’il aura les mains libres pour réaliser son idée. C’est peut-être donc le site et son cadre exceptionnel qui en ont décidé ainsi11.

Note de bas de page 12 :

Cf. Pierre Boudon, « Tracés de fondation à Rome » dans Denis Bertrand et d’Ivan Darrault-Harris (éds.), À même le sens, Hommage à Jacques Fontanille, Limoges, Lambert-Lucas, 2021, p. 579-590.

L’organisation du site : nous avons auparavant décrit sa géographie ; nous chercherons maintenant à caractériser sa forme sémiotique en tant que mythogramme, expression que nous avons utilisée dans le cadre d’une réflexion sur l’avènement de la Rome antique12.

Note de bas de page 13 :

L’architecture des lieux. Sémantique de l’édification et du territoire, Infolio collection Projet & Théorie, Gollion, 2013. Cette schématisation mythogrammique relève de la notion de diagramme au sens de Peirce.

Note de bas de page 14 :

Ibid., p. 141.

Note de bas de page 15 :

Ibid., diag. 3.5, p. 159.

Note de bas de page 16 :

Nous adjoignons maintenant cette notion d’homo sacer, empruntée à Giorgio Agamben, en tant qu’instance hors d’un état normal des rôles actantiels, tiers terme en tant qu’altérité radicale opposée à une « séparation » et à une « incorporation » liées aux rites de passage traditionnels (Cf. « Tracés de fondation à Rome », 2021, « Le paradigme de l’altérité », p. 586). Cf. Giorgio Agamben, Homo sacer, L’intégrale 1997-2015, Paris, Seuil, p. 69 sq.

Note de bas de page 17 :

Diag. 3.2, p. 146.

Pour cela, reportons-nous à notre analyse théorique sur les lieux en général, et plus particulièrement sur la schématisation d’une organisation territoriale complexe13. Dans la troisième partie de cet ouvrage, il s’agit de « L’expansion territoriale »14, soit du diagramme15 qui caractérise les rapports globaux entre les expressions catégorielles : « monocentration » (par exemple, une capitale par rapport à son territoire), « polycentration » (par exemple, des centres secondaires associés) et une « traversée » du territoire (une route, un cours d’eau), en tant que termes de base d’un mythogramme dont les métatermes supérieur (MT+) et inférieur (MT-) constituent les notions territoriales de « concentricité » d’ensemble, pour le premier, et d’«  exocentration » (altérité hors de cet ensemble, ailleurs en tant qu’au-delà de limites établies), et d’homo sacer16, pour le second. Tous ces termes répondent à la configuration mythogrammique17, de notre ouvrage de référence. Dans cette cartographie d’ensemble, la notion d’« horizon » en tant que bord extrémal « boucle » le territoire pour en faire une certaine unité générale réverbérant cette diversité d’ensemble.

En appliquant cette schématisation mythogrammique à notre cas particulier de Ronchamp, nous dirons que la chapelle de pèlerinage occupe une situation d’exocentration (MT-), au bout du chemin montant, qui représente la traversée du territoire en tant que lieu de pèlerinage. La chapelle, sur sa colline, est ainsi « à l’écart » du monde ordinaire représenté par le village, les champs cultivés, la route nationale, etc. L’horizon en tant que « les quatre horizons » symboliques de Le Corbusier en constitue le lieu virtuel d’unification.

Note de bas de page 18 :

Dans la répartition des oculi de lumière, celle-ci est un rappel du design de l’Ecole De Stijl.

Nous n’avons pas encore parlé de l’édification de la chapelle en tant que volumie architecturale ; tout au plus de son « site » en tant qu’implantation. Ce qui caractérise en premier lieu cette volumie non-standard, c’est la pluralité d’orientations, notamment ses deux dimensions orientatives, définies par ses deux façades principales : la première, au Sud, marquée par l’inclinaison en biais du mur lui « faisant face » est la dimension cosmique répondant à la voûte étoilée, le ciel dans son immensité. On dira ainsi de ce mur Sud qu’il est « criblé » de trous évoquant cette voûte étoilée, « filtrant » la lumière par ces ouvertures multiples comme autant de meurtrières protégeant l’« intériorité » de l’édification18.

La seconde façade, à l’Est, s’ouvre sur le paysage terrestre comme « deux bras écartés » (mais c’est aussi la dimension originaire du sanctuaire, celle de son mythe d’origine), laquelle recevra l’assemblée des pèlerins les jours d’anniversaire.

On dira donc de cette édification qu’elle se « situe » au creux du dièdre formé par ces deux orientations qui se joignent au sommet de la colline, l’une cosmique et éternelle, l’autre terrestre et historique. Le sanctuaire n’est pas défini par une seule « nef » (intérieure) mais par deux : une « nef intérieure » (la chapelle proprement dite) et une « nef extérieure » en tant que réceptacle de cette assemblée des pèlerins, réunis les jours d’anniversaire. Nous avons affaire à une nef bifide, à la manière du dieu Janus, partagée entre un intérieur et un extérieur (et il y a deux autels de part et d’autre du mur Est, l’un pour les « services » quotidiens à l’intérieur du sanctuaire, l’autre, exceptionnel, pour les « services » à l’extérieur lors des jours de pèlerinage).

3. Premier dispositif : les figures morphologiques de l’habiter

Cette notion de nef (de la chapelle) nous amène à la considération de ce que nous appellerons des « figures morphologiques de l’habiter », associées à l’iconicité du plan d’expression, dont nous établirons les distinctions au moyen de ce que nous appelons un templum de leur différenciation, soit une déclinaison paradigmatique de leurs différences par oppositions de contrariété et de contradiction entre des termes de base et des termes mixtes (qui les relient).

Cette notion de nef est d’ailleurs ambivalente : d’un côté, cela peut être la coque du bateau (associée à l’eau), et de l’autre, cela peut être la voûte (du sanctuaire, par exemple) permettant de recouvrir une certaine surface. D’ailleurs, certaines charpentes d’église évoquent cette forme nautique de la voûte. Dans ce cas, on pourrait parler de l’arche (du bateau, du sanctuaire) comme dans l’Arche de Noé biblique (« imaginaire » symbolique).

Note de bas de page 19 :

Ce second principe peut être rapproché de celui des couvertures suspendues par câbles (comme dans le cas des chapiteaux, des tentes), à la manière d’un dais dont les principes de fixation au moyen de mâts sont périphériques à la surface de recouvrement, comme dans le cas des velums romains dans les cirques). Dans l’oeuvre de Le Corbusier, l’exemple typique d’un tel principe de suspension par câbles est le Pavillon des Temps Nouveaux pour l’Exposition Internationale de 1937 et qui fût selon Kenneth Frampton un modèle pour de nombreuses œuvres ultérieures. Cf. Kenneth Frampton, Le Corbusier (...)

De son côté, la notion tectonique de voûte peut renvoyer à deux principes opposés : un « voûtement incurvé » (comme dans le cas des coupoles, des dômes, classiques) et ce fut l’exemple traditionnel d’un mode de couverture du sanctuaire depuis le Panthéon de Rome, et plus récemment, un « voûtement excurvé » permis par la technique du béton armé, soit possédant une armature interne en fer qui la « rigidifie »19.

À propos de cette voûte excurvée – motif prédominant de la « selle de cheval » dans l’édification de ce sanctuaire –, on rappellera l’exemplum mémorable de Le Corbusier de cette « coque de crabe qu’il ramassa un jour sur une plage de Long Island » et qu’il nommait à l’époque des « objets à réaction poétique ».

Note de bas de page 20 :

Adolf Loos, Paroles dans le vide. Chroniques écrites à l’occasion de l’Exposition viennoise du Jubilé (1898). Autres chroniques des années 1897-1900. Malgré tout (1900-1930), Paris, Champ libre, 1979, p. 227.

Note de bas de page 21 :

Voir la planche 43 de l’ouvrage de Daniele Pauly (op. cit.) avec son rappel des sites funéraires méditerranéens.

À cette caractérisation d’une volumie en creux (la nef), soit comme coque, soit comme charpente, nous pouvons opposer comme pôle complémentaire celle d’une volumie « pleine » comme entassement fait de blocs selon une certaine disposition géométrique (par exemple, la pyramide) que l’on rencontre dans les lieux de sépulture. Comme nous le rappelle Loos, « si nous rencontrons dans une forêt un tertre de six pieds de long, trois pieds de large, tassé avec la pelle en forme de pyramide, nous nous arrêtons et une voix grave nous dit : quelqu’un est enterré là. Voilà ce qu’est l’architecture. »20. Cette figure commémorative de l’habiter, on peut l’appeler un tumulus en tant que figure compacte. À propos de Ronchamp, il faut évoquer ainsi la forme mégalithique, ou proto-historique, des différentes volumies qui composent cette architecture (mur d’enceinte, chapelles dédoublées de part et d’autre de l’entrée secondaire, façades exposées), lesquelles s’opposent à la voûte excurvée du toit en tant qu’expression technique de la Modernité21. Mais, par ailleurs, cette voûte excurvée n’est pas sans faire penser à la dalle qui recouvrait les menhirs dans différents sites archéologiques bretons. Bref, le rappel « archaïque » de cette chapelle est constant.

Note de bas de page 22 :

Cf. Claude Nicolas Ledoux : « On verra qu’ici le pauvre a ses besoins satisfaits comme le riche ; on verra qu’il n’est pauvre que du superflu, que l’homme, tel qu’il soit, n’occupe qu’un petit espace ; il a beau être grand, il ne remplit pas à la fois le vide immense de l’univers. Dans quelque situation qu’il soit, ce n’est à lui de rivaliser la nature ; c’est à l’art de soumettre ses besoins à ses possibilités ; c’est à l’art de les soumettre à la proportion ; c’est un bienfait qu’il rend commun à tous. » L’Architecture considérée sous le rapport de l’art, des mœurs et de la législation (...)

Passons maintenant au troisième terme de base de ce dispositif du templum en tant que terme neutre (ni nef enveloppante, ni tumulus compact) : la notion générique d’abri comme dans l’illustration de Ledoux, « l’abri du pauvre/ville de Chaux »22. C’est, par exemple, le cas des auvents, abris sous roche préhistoriques ou abris d’entrée pour se protéger des intempéries (comme dans le cas de l’entrée du Pavillon des Temps nouveaux de Le Corbusier ou celle d’Aalto à la Villa Mairea). Ce troisième terme neutre exprime une forme d’accroche afin de pouvoir développer les termes mixtes situés entre les termes de base.

Ainsi, entre la notion duale de nef (vaisseau ou voûte) et celle d’abri, nous pouvons insérer la notion mixte de dais dont la variation de taille peut être très grande : du parasol individuel au chapiteau pour de grandes manifestations collectives, soit de toile tendue au moyen de câbles ou de baleines (parapluie) que l’on retrouve également dans la notion de voiles du bateau. On a donc affaire à une expression intermédiaire polymorphe puisqu’elle peut remplir différentes fonctions de protection ou de capacité à mouvoir des mobiles.

Collatéralement, par rapport à cette notion de l’abri, nous avons du côté des rapports entre celle-ci et la notion de tumulus, celle de troglodyte en tant que cavité souterraine dans un relief permettant des lieux de refuge et d’habitation (c’est le cas du projet de la Sainte-Baume de Le Corbusier, précédant Ronchamp, qui exploitait des grottes pour former un sanctuaire souterrain). Bien des architectures ou projets d’architecture contemporains sont de ce type (Norman Foster dans les Cornouailles, Giancarlo de Carlo en Autriche, Carlo Scarpa sur les bords du Lac de Garde). Pré-historiquement, c’est le thème de la grotte comme sanctuaire ou du labyrinthe comme en Crète à l’origine. Le lien au tumulus en tant que volumie compacte peut être établi à travers la notion de dolmens antiques qui représentaient des formes habitées (présence de « chambres » au sein de cette volumie creuse) ; on retrouve la même configuration dans les bories du sud de la France ou les trulli dans les Pouilles italiennes.

Note de bas de page 23 :

Cf. Louis Destombes, « Tectonique numérique et mémoire. La construction comme représentation dans l’architecture de Jakob+Mac Farlane », dans Les controverses du monument, fabricA, hors série, Versailles Léav, 2018, p. 60-71. Cf. notamment le tableau comparatif, p. 64-65.

Enfin, entre la notion de nef et celle de tumulus, nous situerons la notion intermédiaire de podium, au sens semperien23 ; c’est un principe de localisation dans le paysage en tant qu’aire arasée ou de socle permettant un établissement surhaussé (c’est, par exemple, le cas des temples antiques). La chaussée des voies romaines, en tant que pavage continue, fait partie de cette notion de podium à titre d’extension linéaire ; nous avons la transformation d’une aire en un ruban continu.

Soit la schématisation iconique suivante (A) ; pour résumer, les métatermes génériques qui coiffent ce dispositif des figures morphologiques de l’habiter constitueront la notion d’édification en tant que construction artificielle, mais aussi, inversement, celle de non-édification, comme dans le rapport entre sentier et route, abri sous roche et auvent, tell en tant que relief collineux dans le désert et ruines sous-jacentes.

(A) Dispositif des figures morphologiques de l’habiter. Charpente et coque.

(A) Dispositif des figures morphologiques de l’habiter. Charpente et coque.

Dans ce dispositif, nous avons une répartition en oppositions (contraires et contradictoires) des différentes figures de l’habiter composant une volumie globale qui concerne ses différentes parties ainsi que la figure de l’ensemble qu’elles peuvent former. Ainsi, dans la chapelle de Ronchamp, nous pouvons distinguer la voûte excurvée qui se détache et le mur d’enceinte qui l’enveloppe, la nef intérieure et les chapelles subsidiaires en tant qu’espaces dissociés, les « élévations » supérieures (dômes capteurs de lumière) et l’ensemble. En fait, réunies dans cette chapelle, nous avons une exploitation de toutes les composantes de ce dispositif, affirmées dans certains cas, ou au contraire sous-entendues dans d’autres cas.

4. La voûte excurvée

Note de bas de page 24 :

Voir les remarques de Kenneth Frampton (op. cit., p. 104-107, 133) à propos de cette analogie aéronautique, développée depuis le Pavillon des Temps nouveaux comme structure suspendue au moyen de câbles et « réalisé en dur » dans la voûte de Ronchamp, développée enfin jusqu’au Pavillon Philips de l’Exposition Internationale de Bruxelles en 1958 par Iannis Xenakis (cf. notre article en ligne, « Le poème électronique de Le Corbusier ou l’architecture comme cosmos », Archée, mai 2009).

Tectoniquement, c’est le motif prédominant de cette architecture qui nous frappe au premier abord. Forme unificatrice de l’ensemble qu’elle recouvre entièrement, elle constitue une entité autonome par rapport à l’ensemble dont elle « s’enlève » à la manière d’une voile de bateau ; sa mise en œuvre a constitué un exploit réalisé par André Maisonnier sur le modèle de l’aile d’avion24 fait de « nervures » sous-tendant un voile de béton comme revêtement (elle possède une double face, supérieure et inférieure, celle-ci étant mise en valeur sur les faces exposées à l’Est et au Sud en tant qu’auvents).

Note de bas de page 25 :

Richard A. Moore fait référence à cet angle Sud-Est qui serait le point-moment d’infini de l’édifice, « Alchemical and Mythical Themes in the Poem of the Right Angle, 1947-1955 » dans Oppositions : Le Corbusier 1933-1960, n° 19/20, 1980. De son côté Danièle Pauly (op. cit., p. 81) note : « Il faut aussi remarquer que la grande verticale de l’angle sud-est est calculée selon le midi solaire, le 24 juin, et elle donne la direction du zénith ».

La voûte est ainsi « posée » sur le mur d’enceinte, « décollée » de celui-ci (entre eux, nous avons un interstice laissant passer un jour), faisant de ces deux volumies de l’édifice deux entités distinctes. Nous avons donc une surface unie (d’un seul tenant) dont la « pente » conduit à la gargouille située sur la face Ouest, l’« arrière » de l’édifice, comme si la chapelle était un « corps » organique avec un devant et un derrière. Ainsi, la voûte excurvée en tant qu’orientation architectonique exprime des « orients » dont la dorsale imaginaire serait la direction liant la « proue » (cf. la pointe Sud-Est et sa verticale25 comme jonction entre la façade Sud associée au cosmos et la façade Est associée à son « origine » historique) et la « poupe » représentée par cette gargouille, soit le sens même de la notion de nef en tant qu’édifice et/ou en tant que vaisseau (dans la schématisation (A) précédente, l’articulation de ces deux dimensions).

Note de bas de page 26 :

Cette notion de « sol » en tant que relief artificiel se retrouve également dans l’exhaussement des bancs de l’assistance sur une plate-forme par rapport au « sol » naturel de la nef, comme évidemment le chœur et son autel.

Note de bas de page 27 :

Dans les esquisses (cf. la planche 3 dans Danièle Pauly, op. cit.), ces trois élévations sont semblables quant à leur taille ; elles seront dissemblables par la suite, celle du Sud prédominant comme clocher sur les deux autres collatérales.

On dira enfin que c’est par rapport à cette voûte excurvée, exprimant par son épaisseur et son relief, un « sol »26, au sens husserlien d’une stratification historique, que les dômes des trois chapelles27 constituent une émergence trinitaire associant l’édifice plus au Ciel (dont ils captent la lumière) qu’à la Terre (là où il se situe). Soit, sa fondation symbolique.

5. Deuxième dispositif : les propriétés numériques-géométriques

Note de bas de page 28 :

Nous pensons que l’ouvrage de Danièle Pauly (op. cit., 1980) représente la meilleure description qui soit de l’œuvre de Le Corbusier, par ses références, par ses acteurs en jeu, par l’histoire dans laquelle se situe cette création ; c’est pourquoi il ne peut s’agir de la redoubler en des termes différents mais de proposer une autre lecture, plus abstraite, appelée ici épistémologique, en ce qu’elle touche à des aspects théoriques renvoyant à l’architecture en général.

Note de bas de page 29 :

Cf. « L’oeuvre entière de Le Corbusier, soumis à la proportion, s’est enrichie en 1942-48 d’une gamme de dimensions harmoniques, règle de proportion issue des mesures humaines et baptisée Modulor. Le Modulor n’est qu’une base, une humanisation de la mesure, un moyen. Ce n’est nullement un instrument de normalisation, de rationalisation. Car la proportion est chose ineffable pour Le Corbusier, qui se refuse à admettre les canons. La discipline de la géométrie lui permettra d’éviter l’illusion du sentiment, de l’incertitude, mais il ne maniera la règle du Modulor qu’avec une extrême sévérité (...)

Pour expliquer le sens métaphysique de l’édification, nous allons quitter provisoirement sa description empirique28 afin d’introduire des considérations épistémologiques relevant d’une spéculation qui n’était pas étrangère à Le Corbusier. Nous voulons parler des « proportions harmoniques » lesquelles ont toujours été présentes dans ses recherches depuis le début de sa carrière et ont abouti au Modulor (1950)29.

Note de bas de page 30 :

Cette hypothèse de l’édifice en tant que carré de base/cube scénographique peut être justifiée par le croquis que Georges-Henri Pingusson en a donnée, inscrit dans un cube scénographique :
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Cette diagonale entre la proue et la poupe évoquée dans la description de la voûte excurvée nous amène à considérer celle-ci comme relevant de celle d’un carré de base ayant subi une déformation tectonique30. Cette diagonale exprime ici une orientation privilégiée puisqu’elle « pointe » vers l’angle Sud-Est de l’édifice selon la figure complexe :

(B) Sens de la voûte excurvée orientée

(B) Sens de la voûte excurvée orientée

Note de bas de page 31 :

Nous nous appuierons sur la contribution de Jean-Toussaint Desanti à l’Encyclopédie de Jean Piaget, Logique et connaissance scientifique, « Une crise de développement exemplaire : la « découverte » des nombres irrationnels », Paris, Gallimard-La Pléiade, 1967, p. 439-464.

Cette suite de rapports est fondamentale en ce qu’elle nous amène à analyser le sens de ceux des nombres en tant que « rationnels » et « irrationnels » (cf. « imaginaires » dont font partie √2 ou Π)31.

Note de bas de page 32 :

Une autre dualité qui « traverse » ce mur d’enceinte Est, est la « tribune des chantres », décalée, située de part et d’autre de celui-ci. Par ailleurs, à propos de la statue de la Vierge, Danièle Pauly écrit (p. 103) : » Cette statue, qui est une Vierge à l’Enfant du XVIIe siècle en bois polychrome, est placée sur un plateau de bois pivotant à l’intérieur d’une niche légèrement voûtée, creusée dans le mur est. Les parois de cette niche sont peintes en vert, jaune, rouge vifs et une porte pivotante, en verre, protège la statue des intempéries. Cette statue est visible tant de l’intérieur (...)

Résumons notre parcours en attendant : la chapelle est un corps organique (cf. une « corporéité ») possédant un « dedans » et un « dehors » (cf. les deux autels en tant que « foyers » présidant aux rituels) ; ce dedans et ce dehors « communiquent », pas seulement physiquement par la porte latérale sur le côté Sud-Est mais symboliquement par la statue de la Vierge située dans sa niche comme entre-deux dans le mur d’enceinte ; on ajoutera que ce « lieu de passage » est réversible puisque « faisant face » aux cérémonies, cette statue peut être « orientée » vers le dedans ou vers le dehors ; c’est un point-double32.

Par sa voûte excurvée, la chapelle est globalement orientée vers l’Est qui est la direction symbolique de son origine mythique.

Note de bas de page 33 :

Le problème de l’eau fait partie de la programmation initiale car, située sur la colline, il n’existe pas de source à proximité ; c’est pourquoi l’édifice précédent a été en partie endommagé par un incendie dû à la foudre (cf. Danièle Pauly 1980, p. 25, la note 8).

Elle conserve une « trace » physique de son environnement naturel en ce qu’elle recueille les eaux de pluie grâce à la gargouille qui alimente une citerne33 ; gargouille et citerne ne sont pas sans nous faire penser, à l’échelle du site, à un bénitier.

Mais considérons ces rapports harmoniques dont nous dirons qu’ils sont essentiels à la forme architecturale, tout autant qu’un matériau physique ou qu’une composition d’ensemble, et adoptons toujours comme principe de constitution la schématisation du templum.

Soit la notion de nombre en tant que grandeur (unité opératoire) et entité dénommable (unité monadique) ; le choix des termes de base est évidemment fondamental car c’est de celui-ci que nous pouvons dériver un mode d’opération du templum. Nos trois termes de base vont être : la notion de « nombres premiers », de « nombres composés » et de « nombres fractionnaires ». Ces trois concepts constituent la base élémentaire en deçà de laquelle il n’y a rien pour définir la notion de nombre (quelconque) en tant qu’entité arithmétique.

Les nombres premiers sont un socle, en tant qu’indivisibles et en tant que suite infinie donnée erratiquement :

Note de bas de page 34 :

Marcus du Sautoy, La symphonie des nombres premiers, Editions Héloïse d’Ormesson, Paris, 2005, p. 17.

Les nombres premiers sont les atomes mêmes de l’arithmétique. Ce sont les nombres indivisibles, qu’il est impossible de décomposer sous la forme d’une multiplication de deux nombres plus petits. 13 et 17 sont des premiers, ce qui n’est pas le cas de 15, que l’on peut également écrire en tant que 3 fois 5. Ils sont les pierres précieuses enchâssées dans l’immense étendue de l’univers infini des nombres que les mathématiciens explorent depuis des siècles. Ils sont pour eux une source d’émerveillement : 2, 3, 5, 7, 11, 13, 17, 19, 23, … nombres hors du temps qui existent dans un monde indépendant de notre réalité physique. Pour le mathématicien, ils sont un don de la Nature.
Leur importance s’explique par leur capacité à bâtir tous les autres nombres. Tout nombre qui n’est pas premier peut être obtenu en multipliant les uns par les autres ces éléments fondamentaux. Chaque molécule du monde physique peut être fabriquée à partir d’atomes prélevés dans le tableau périodique des éléments chimiques. Pour le mathématicien, une liste de nombres premiers est comme ce tableau périodique où les nombres 2, 3 et 5 correspondraient à l’hydrogène, à l’hélium et au lithium du laboratoire du mathématicien. La maîtrise de ces éléments lui permet de découvrir de nouvelles façons d’établir un cap pour parcourir la complexe grandeur du monde mathématique34.

C’est par rapport à cette définition des nombres premiers que nous pouvons situer par opposition (contrariété) celle des nombres composés qui sont toujours le résultat (global) d’une opération appelée « computation » (additive ou multiplicative), opération que l’on situera entre nombres premiers et nombres composés.

Enfin, diamétralement opposés à ce terme mixte que nous allons préciser, nous situerons les nombres fractionnaires dont la formule générique est a/b, subdivisible en ½ (l’inverse d’un nombre) et en fraction proprement dite (¾).

Après l’établissement de ces trois termes de base, passons aux termes mixtes situés entre ceux-ci, en revenant à la première opération entre termes premiers et termes composés.

Note de bas de page 35 :

Que les Grecs anciens ignoraient.

Nous dirons que c’est le domaine des entiers relatifs partagés entre nombres positifs et nombres négatifs dont le symbole zéro (0) formera le terme médian (+ 3 – 3 = 0). Nous avons donc, au départ, une opération restrictive35 puisque si nous pouvons avoir 3 + 2 = 5, 2 – 3 = ? n’est pas possible. La formule des entiers relatifs est donc : {- x / 0 / + x} dont le résultat peut être positif, négatif ou neutre. L’opération de soustraction est donc une extension du domaine des entiers, celle qui permet d’étendre l’opération de composition à toute espèce de nombres (positif et négatif) et dont le résultat sera positif ou négatif.

Note de bas de page 36 :

Symbolisé par de nouveaux opérateurs : « ≤ » (plus petit ou égal) et « ≥ » (plus grand ou égal), qui régissent ces suites de nombres. Ces nouveaux opérateurs renverront à un autre dispositif de templum mentionné par Robert Blanché, Structures intellectuelles. Essai sur l’organisation systématique des concepts, Paris, Vrin, 1966.

Cette extension des entiers sera accompagnée d’une « orientation » en tant que sens d’un ordre, progressif ou régressif36, dont le zéro est le terme neutre, renvoyant à une géométrie implicite (ligne, surface, volumie).

Passons au terme mixte entre nombres composés (opération globale en tant que résultat) et nombres fractionnaires : nous l’appellerons une « arithmétique modulaire » en suivant l’ouvrage de Marcus du Sautoy :

Note de bas de page 37 :

Marcus du Sautoy, op. cit. p. 39-40.

L’une des toutes premières et des plus importantes contributions de Gauss a été l’invention d’une calculatrice fonctionnant sur le principe du cadran horaire. Davantage un concept qu’une machine physique, ce système donnait la possibilité de faire de l’arithmétique avec des nombres jusqu’alors considérés comme peu maniables. La calculatrice de Gauss fonctionne exactement selon le même principe qu’une horloge conventionnelle. Si votre horloge indique neuf heures, et que vous ajoutez quatre heures, l’aiguille des heures se déplace vers treize heures. Par conséquent, la calculatrice de Gauss donnerait 1, plutôt que 13. Si Gauss voulait effectuer un calcul plus complexe, comme 7 x 7, la calculatrice aurait montré ce qui serait resté une fois divisé 49 = 7 x 7 par 12. Là encore, le résultat aurait été 1.
C’est quand Gauss souhaite calculer la valeur de 7 x 7 x 7 que l’on commence à prendre conscience de la puissance et de la rapidité de la calculatrice. Au lieu de multiplier une nouvelle fois 49 par 7, Gauss n’a qu’à multiplier la dernière réponse (autrement dit 1) par 7, pour obtenir 7. Ainsi, sans avoir eu à calculer ce que faisaient 7 x 7 x 7 (343, précisons-le), il savait quand même, sans trop d’effort, que le reste était de 7 pour une division par 12. La puissance de sa calculatrice a donné toute sa mesure quand Gauss a entrepris d’explorer les grands nombres au-delà de la portée de ses propres capacités de calcul. Il n’avait aucune idée de ce qu’était 7⁹⁹, mais sa calculatrice lui assurait déjà qu’une fois ce nombre divisé par 12, il restait 7.
Les horloges divisées en douze heures n’avaient pour lui rien de particulier. Il avança l’idée d’une arithmétique dans le sens des aiguilles d’une montre, que l’on désigne parfois sous le nom d’arithmétique modulaire, quel que soit le nombre d’heures indiqué sur le cadran. Ainsi, si l’on entre 11 sur une calculatrice horloge divisée en quatre heures, la réponse est 3 heures, puisque 11 divisé par 4 donne un reste de 3. La description que fit Gauss de cette arithmétique d’un nouveau genre révolutionna les mathématiques au tournant du XIXᵉ siècle. Tout comme le télescope avait permis aux astronomes de voir de nouveaux mondes, le développement de la calculatrice horloge aida les mathématiciens à découvrir dans l’univers des nombres de nouvelles logiques qui étaient restées inaccessibles à des générations.37

Enfin, terminons par le troisième terme mixte situé entre nombres premiers et nombres fractionnaires ; nous l’appellerons celui des « proportions » telles que √2 définissant la diagonale entre les deux côtés du carré (cf. (B) supra) ; ce serait également celui des nombres irrationnels tels que ℼ (dont la suite des décimales est infinie) ou de e en tant que symbole des logarithmes. Ce terme mixte serait donc celui d’un « domaine de divisibilité », comme le premier terme mixte entre nombres premiers et nombres composés serait celui d’un « domaine d’additivité ».

Les métatermes de ce nouveau templum seraient, d’une part, la notion de « nombres rationnels », et d’autre part, celle de « nombres irrationnels » (tels que √2 ou ℼ). Au départ, nous faisions une distinction (à la suite de Jean-Toussaint Desanti) entre unité opératoire et unité monadique. Nous dirions que si les premières opèrent au niveau du dispositif de base du templum (soit, entre les différentes espèces de nombres), la notion d’unité monadique en tant que dénomination catégorielle se trouve au niveau des métatermes (positif et négatif). Soit, deux niveaux bien distincts, celui du calcul qui peut « ouvrir » le spectre des différentes espèces numériques découvertes et celui de leur désignation générique.

6. La rencontre entre architecture et sculpture

Jusqu’à présent, nous avons mentionné le nom Le Corbusier en tant qu’architecte ; ce qui, bien sûr, est inexacte : issu d’une école des arts décoratifs (La Chaux-de-Fonds), il fut également peintre, sculpteur et homme de lettres, et ces différentes pratiques ont joué un rôle important dans la définition de son esthétique que l’on peut caractériser comme « synthèse des arts » :

Note de bas de page 38 :

Le Corbusier, in Architecture d’Aujour’hui, N° spécial Le Corbusier avril 1948, p. 11, cité par Danièle Pauly, op. cit. p. 119.

Mais où commence la sculpture, où commence la peinture, où commence l’architecture ? A l’une des extrémités de leurs trois branches, on voit la statue, le tableau, le palais ou le temple. Mais dans le corps-même de l’événement plastique, tout n’est qu’unité : sculpture, peinture, architecture ; volumes (sphères, cônes, cylindres etc.) et polychromie, c’est-à-dire des matières, des quantités, des consistances, spécifiques assemblées dans des rapports d’une nature émouvante. Le corps du domaine bâti est l’expression des trois arts majeurs solidaires.38

Note de bas de page 39 :

Dans son livre Image et vérité Essais sur les dimensions iconiques de la connaissance (op. cit.), Jean-François Bordron est amené à confronter au Chapitre 9 une image esthétique, le « cube » (1934) de Giacometti en tant que sculpture, et une image mathématique, celle du « cube » en tant que solide polyédrique – dont, d’ailleurs, la forme élémentaire fut le symbole de la Modernité architecturale –, soit la confrontation d’un cube et d’un quasi-cube (puisque cette sculpture de Giacometti est un polyèdre irrégulier). D’un côté, on dira que ce cube mathématique est une « idéalité » (absolue (...)

Note de bas de page 40 :

Cette continuité d’un dehors et d’un dedans n’est pas sans faire penser, en topologie, à celle de la bande unilatère de Moebius dans laquelle les deux bords « s’échangent » continûment. On rapprochera cet aspect du mur floconné de celui de la statue de la Vierge à l’Enfant dans sa niche qui, en tant que point-double pivote entre l’intérieur et l’extérieur.

Au premier abord, nous dirons ainsi que la chapelle de Ronchamp est autant une architecture qu’une sculpture, mélange qui a beaucoup troublé ses disciples orthodoxes en ce que la Modernité projetée par Le Corbusier était avant tout pour eux celle d’une rectitude architectonique39. Dans sa réalisation, la chapelle est un dialogue entre architecture, sculpture et peinture (les vitrages, la grande porte d’accès, le tabernacle), au-delà de sa présence cosmique (son rapport à la colline, au paysage alentour, au ciel). Dans son incarnation, elle est ce rapport dialogique entre un béton brut de décoffrage, dont on perçoit encore les traces dans la sous-face de la voûte, dans la gargouille et le bassin de réception de l’eau à l’arrière, dans les deux chaires) et un béton projeté à l’aide d’un canon à ciment sous la forme d’un « crépi », ou mieux – « floconné » (formant des grumeaux) – tant à l’extérieur (mur d’enceinte, tours des chapelles) qu’à l’intérieur, définissant ainsi cette continuité entre le dehors et le dedans40.

Note de bas de page 41 :

Gilles Deleuze, Francis Bacon, Logique de la sensation, tome 1, chapitre XIV « Chaque peintre à sa manière résume l’histoire de la peinture... », Paris, La Différence, 1981, p. 79, et la note 2 du texte : Aloïs Riegl, Die Spätrömische Kunstindustrie, Vienne, 2e éd. L’haptique, du verbe grec aptô (toucher), ne désigne pas une relation extrinsèque de l’œil au toucher, mais une « possibilité du regard », un type de vision distinct de l’optique : l’art égyptien est tâté du regard, conçu pour être vu de près, et, comme dit Maldiney, « dans la zone spatiale des proches, le regard procédant comme (...)

Note de bas de page 42 :

Nous allons reprendre la substance d’un article d’Herman Parret « Spatialiser haptiquement : de Deleuze à Riegl, et de Riegl à Herder », paru (en ligne) le 16 août 2009 (9 pages) dans les Actes sémiotiques, Limoges.

Note de bas de page 43 :

Cf. Le Corbusier : « Je suis l’inventeur de l’expression l’espace indicible qui est une réalité que j’ai découverte en cours de route. Lorsqu’une œuvre est à son maximum d’intensité, de proportion, de qualité d’exécution, de perfection, il se produit un phénomène d’espace indicible : les lieux se mettent à rayonner, physiquement, ils rayonnent. Ils déterminent ce que j’appelle l’espace indicible, c’est-à-dire qui ne dépend pas des dimensions mais de la qualité de perfection ; c’est du domaine de l’ineffable. » Le Corbusier, extrait d’une conversation enregistrée à la Tourette, in (...)

Ce double aspect d’une incarnation dans un matériau (cf. la notion de corporéité) est aussi celui de sa perception en tant que registres d’une saisie de l’espace : ce que Aloïs Riegl définissait comme « saisie optique » à distance par le regard, d’un côté, et comme « saisie haptique » rapprochée par le toucher (contact), de l’autre, distinction reprise par Gilles Deleuze dans son livre sur Bacon (1981)41 et réinterprétée par Hermann Parret qui en étend la portée philosophique en tant que « courant de pensée » dans la pensée occidentale42. Si, par exemple, la chapelle se découpe optiquement par le chemin qui vient de la vallée comme silhouette globale vue d’en dessous, au fur et à mesure que l’on s’en approche, on perçoit les « détails » de sa paroi (son « grain »), les rugosités de son mur d’enceinte, faisant de cette rencontre du visiteur ou du pèlerin une aperception haptique qui l’accompagne et qui se prolongera dans le passage de l’extérieur vers l’intérieur, de la luminosité ambiante en plein jour (renforcée par le blanc du crépi) à l’obscurité « caverneuse » de la nef à l’intérieur, illuminée uniquement par quelques points de lumière (la « rampe » entre le mur d’enceinte et la voûte, les « oculi » situés sur le mur Sud comparables à autant de meurtrières et formant une gradation vers le chœur, la niche de la Vierge éclatante de lumière frontalement et qui éblouit comparée à l’éparpillement des « trous » de lumière formant une « couronne » tout autour). C’est la sous-face de la voûte excurvée qui crée par son « poids » figuré ce sentiment de rapprochement et de clôture ; mais cette pesanteur n’est pas oppressante, elle est signe de recueillement quiet (prière, méditation), comme dans une crypte. Cet espace comprimé libère en quelque sorte l’esprit, ce que Le Corbusier appelait le lieu de « l’espace indicible »43. On pense bien sûr à la notion de sublime chez Kant.

Ce parcours implicite que nous venons de décrire de l’extérieur vers l’intérieur est peut-être celui que Le Corbusier « imaginait » (car il n’a pu être réalisé) à propos du précédent projet de la Sainte-Baume (1948), partagé entre la falaise éclatante de lumière et la grotte souterraine aménagée.

Note de bas de page 44 :

Cf. Danièle Pauly (op. cit. p. 114), « Une architecture de lumière », dans le chapitre « Le langage plastique de Le Corbusier », avec cette citation de l’architecte : « J’use, vous vous en êtes douté, abondamment de la lumière. La lumière est pour moi l’assiette fondamentale de l’architecture. Je compose avec la lumière. (Le Corbusier, in Précisions sur un état présent de l’architecture et de l’urbanisme », Paris, rééd. Vincent-Fréal, 1960, p. 132).

Note de bas de page 45 :

Dont on peut établir le templum entre les termes de base : {obscurité, clarté du jour, éclat brillant} et les termes mixtes {ombres (propre, portée), réverbération, translucidité}, les métatermes étant « source directe » et « source indirecte de lumière ».

Note de bas de page 46 :

En termes de « théorie des lieux » (op. cit.), nous avons affaire à une centralité concentrée (cf. [diag. 3.5] op. cit. p. 159), soit une « volumie » virtuelle.

À propos de cet espace indicible, revenons ainsi sur ce rapport entre la lumière et l’architecture44 ; dans la chapelle de Ronchamp, on dira que cette lumière est déclinée en différentes phases (de l’obscurité à la clarté du jour), qu’elle est modulée au moyen de différents types de filtrage qu’on peut appeler des « diaphragmes ». Il y a d’abord sa captation au sommet des tours sous la forme de périscopes allant « chercher la lumière » pour l’amener vers chacun des autels secondaires (on parlera ainsi d’amortissement aspectuel de son impact sur les parois granulées). Il y a sa diffraction au moyen des ouvertures lamellaires situées au-dessus des entrées secondaires. Il y a sa concentration en pinceaux de lumière émanant de la niche de la Vierge située juste au-dessus de l’autel central et décalé (du côté Est), ou encore, de chacun des oculi de la paroi Sud – lumières intenses et variées en fonction des heures du jour et de leur position. Car, au-delà de cette description catégorielle de chacune de ces « lumières » distinctes45, il y a une dynamique d’ensemble associée à la course du soleil en un jour, et de même, une intensité pour chacune des saisons de l’année (entre l’hiver et l’été). Il y a donc une multiplicité de « sources de lumière » modulée selon l’heure de la journée et la saison. On dira donc de cet « espace indicible » qu’offre la lumière en tant qu’incarnation ineffable, au sein de l’architecture46, qu’il est un phénomène éminemment variable, semblable et dissemblable, depuis l’aube (lorsque la lumière pointe à travers la niche de la Vierge) jusqu’au crépuscule (lorsqu’elle se fond dans une pénombre généralisée). L’architecture devient ainsi son discriminant.

Au début de cette analyse, nous avons parlé de dièdre défini par les deux orientations majeures, située au Sud (quant au cosmos) et située à l’Est (quant à une origine mythique) dont nous avons dit que la chapelle était la conjonction.

Note de bas de page 47 :

Danièle Pauly, figure 31, 1980, p. 72.

Quant à la réunion (disjonctive) des différentes sources de lumière, nous parlerions de « faisceaux de lumière », les uns venant par l’Est (le matin) et les autres venant par le Sud. Ce parcours (cyclique) de la lumière peut être identifié à des droites concourant au centre, formant cette volumie de l’indicible et pivotant selon la course du soleil. On parlera ainsi de dièdres démultipliés selon celle-ci dont les axes seraient les bissectrices ; nous avons deux types de bissectrice associés à cette volumie virtuelle : la « bissectrice intérieure » associée à un dièdre aigu et la « bissectrice extérieure » associée à un dièdre obtus. Cette complémentarité géométrique caractérise ainsi un nouveau templum de la lumière décrivant l’espace indicible de cette architecture associé à trois types d’angle : angle aigu, angle obtus et angle droit comme étant ni l’un ni l’autre, et comme termes mixtes entre eux : bissectrice intérieure (associée à l’angle aigu), bissectrice extérieure (associée à l’angle obtus) dont le terme mixte médian serait la notion d’« angle plat » (cf. aigu + obtus). Les métatermes de ce dernier dispositif seraient les notions, d’une part, de » circonférence » (la forme même du parcours de la course du soleil), et d’autre part, de « diamètre » en tant que section transversale (c’est peut-être le sens profond de cet axe tracé au sol dans le dallage de la chapelle47).